Faut-il aborder la question de la souveraineté de Dieu et de la prédestination en Église ?

Je continue mes réflexions autour du traité Du serf arbitre écrit par Luther en réponse à Érasme. Dans l’extrait de cette semaine, Luther reproche à l’humaniste un certain pragmatisme mal placé.
« Ici donc, à ce que je vois, tu estimes que la vérité et l’utilité de l’Écriture doivent être pesées et jugées selon la façon de sentir des hommes et seulement de ceux qui sont très impies. Ce qui leur plairait ou leur paraîtrait supportable, cela serait vrai, divin, salutaire; ce qui ne leur plairait pas serait bientôt inutile, faux, pernicieux. Que cherches-tu donc avec ton conseil, sinon à faire dépendre les paroles de Dieu de l’arbitrage et de l’autorité des hommes, auxquels elles devraient de se maintenir ou de tomber? (Tandis que l’Écriture, au contraire, dit que toutes choses se maintiennent ou tombent par l’arbitrage et l’autorité de Dieu, et finalement que toute la terre fait silence devant la face de l’Éternel.)
Il devrait parler ainsi [que toi] celui qui imaginerait que le Dieu vivant n’est rien d’autre qu’un braillard de place publique, superficiel et sans sagesse, déclamant du haut d’une tribune, dont on pourrait, si l’on voulait, dans la direction qui plairait, interpréter, accepter ou refuser les paroles selon que l’on verrait les hommes impies en être émus ou affectés. »
Le réformateur Wittenbourgeois critique la position d’Erasme qui soutient que le paradoxe de la doctrine de la souveraineté de Dieu et de la volonté divine nécessitante ne devrait pas être prêchée, car elle est en scandale aux incroyants. Cette opinion est commune à ceux qui refusent cette doctrine. Pas plus Luther que Calvin, ni Spurgeon, plus tard, n’étaient d’opinion qu’il fallait cacher ou taire cette doctrine. Il faut enseigner tout le conseil de Dieu. Nous ne rendrons pas l’Évangile biblique plus facile à accepter en l’étriquant, voire, en l’émasculant. Lorsque les cœurs sont disposés par le Saint-Esprit, ils reconnaissent le fondement biblique de cet enseignement sur la souveraineté de Dieu, en l’occurrence, la « volonté divine nécessitante ».

LE PARADOXE DE LA VOLONTÉ NÉCESSITANTE DE DIEU DOIT ÊTRE PRÊCHÉ AU VULGAIRE 

(p. 120) « Qui pourra croire, dis-tu, qu’il est aimé de Dieu? » Je réponds: Aucun parmi les hommes ne le croira ni ne pourra le croire; mais les élus le croiront et les autres, ne le croyant pas, périront, en s’indignant et en blasphémant comme tu le fais ici. Par conséquent, ceux qui croiront ne seront pas totalement inexistants. Mais si par ces dogmes une « fenêtre » est ouverte « pour donner passage à l’impiété ». eh bien, soit! qu’ils appartiennent donc à cette « lèpre», mentionnée plus haut, que constitue le mal qu’il faut supporter! Toutefois, dans le même temps, par ces mêmes dogmes s’ouvre pour les élus et les hommes pieux la «porte» qui conduit à la justice, l’« entrée » du ciel et le « chemin » vers Dieu.
Si, en suivant ton conseil, nous nous abstenions de prêcher ces dogmes et cachions aux hommes cette parole de Dieu, si bien que chacun, trompé par une fausse persuasion de salut, n’apprendrait pas à craindre Dieu et à s’humilier afin que par la crainte il parvienne finalement à la grâce et à l’amour, nous aurions joliment fermé ta fenêtre, mais au lieu d’elle nous aurions ouvert, pour nous et pour tous, les vo!ets, ou plutôt les trous béants et les gouffres qui mèenent non seulement à l’impiété mais encore aux profondeurs de l’enfer. Ainsi nous n’entrerions pas nous-mêmes au ciel, et du coup nous empêcherions
le passage à d’autres hommes qui voudraient y entrer.
(p. 121) Quelle est donc l’utilité ou la nécessité de divulguer de telles choses, puisque tant de maux semblent en résulter? Je réponds : il suffirait certes de dire que Dieu a voulu qu’ elles fussent divulguées; on ne doit pas demander la raison de la volonté divine, mais l’adorer tout simplement, en rendant gloire à Dieu. Car Dieu seul étant juste et sage, il ne fait de tort à personne, et il ne peut rien faire de façon sotte ou téméraire, même si à nos yeux il ne semble pas, de très loin, en être ainsi. Les hommes pieux se contentent de cette réponse. »
Le réformateur souligne ici la dimension transcendante du message biblique, en l’occurrence, la souveraineté de Dieu et la volonté divine nécessitante. Comme le soulignent tant le prophète Esaïe que saint Paul, certains recevront ce message, ceux à qui Dieu ouvre l’entendement, ceux que Dieu illuminent par son esprit. Les autres refuseront ce message, car il dépasse la compréhension humaine limitée et enténébrée.
Esaïe 6.8-10 : « J’entendis la voix du Seigneur, disant : Qui enverrai-je Et qui marchera pour nous ? Je répondis : Me voici, envoie-moi. Il dit (alors) : Va, tu diras à ce peuple : Écoutez toujours, Mais ne comprenez rien ! Regardez toujours, Mais n’en apprenez rien ! Rends insensible le cœur de ce peuple, Endurcis ses oreilles Et bouche-lui les yeux, De peur qu’il ne voie de ses yeux, N’entende de ses oreilles, Ne comprenne avec son cœur, Qu’il ne se convertisse Et ne soit guéri. »
1 Corinthiens 2. 6ss : « Cependant, c’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, sagesse qui n’est pas de ce siècle, ni des princes de ce siècle, qui vont être réduits à l’impuissance ; nous prêchons la sagesse de Dieu, mystérieuse et cachée, que Dieu avait prédestinée avant les siècles, pour notre gloire ; aucun des princes de ce siècle ne l’a connue, car s’ils l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire. Mais c’est, comme il est écrit : Ce que l’œil n’a pas vu, Ce que l’oreille n’a pas entendu, Et ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, Tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment.
A nous, Dieu nous l’a révélé par l’Esprit. Car l’Esprit sonde tout, même les profondeurs de Dieu. Qui donc, parmi les hommes, sait ce qui concerne l’homme, si ce n’est l’esprit de l’homme qui est en lui ? De même, personne ne connaît ce qui concerne Dieu, si ce n’est l’Esprit de Dieu.
Or nous, nous n’avons pas reçu l’esprit du monde, mais l’Esprit qui vient de Dieu, afin de savoir ce que Dieu nous a donné par grâce. Et nous en parlons, non avec des discours qu’enseigne la sagesse humaine, mais avec ceux qu’enseigne l’Esprit, en expliquant les réalités spirituelles à des hommes spirituels. Mais l’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles sont une folie pour lui, et il ne peut les connaître, parce que c’est spirituellement qu’on en juge. L’homme spirituel, au contraire, juge de tout, et il n’est lui-même jugé par personne. En effet : Qui a connu la pensée du Seigneur, Pour l’instruire ? Or nous, nous avons la pensée de Christ.
Ainsi, nous voyons, par cet extrait du Serf arbitre, l’importance de l’autorité des Écritures pour l’âme croyante, en matière de pratique chrétienne et de pratique pastorale dans la détermination du message à prêcher, et en matière de doctrine.

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André Pinard est pasteur de l'Église réformée-baptiste de l'Outaouais (Québec, Canada).