Formation et caractéristiques du livre des Psaumes

 

Nous continuons ici notre découverte et notre étude du livre des Psaumes, que ce soit dans son contenu ou bien en ce qui concerne le livre en lui-même.

Voici la liste des articles précédents :

  1. Sur l’entrée du Psautier
  2. Sur la structure du Psautier
  3. À quoi donc les Psaumes peuvent servir pour le chrétien du 21ème siècle ?
  4. L’utilisation des Psaumes dans l’histoire du peuple de Dieu

 

Dans le présent article, nous allons essayer de comprendre comment le livre des Psaumes s’est formé afin de devenir celui que nous connaissons aujourd’hui. Sur quelle période de temps s’est déroulée la composition de ce livre ? Y a-t-il eu un seul ou plusieurs auteurs ? Des retouches ont-elles été effectuées au fil du temps ? Dans un deuxième temps, nous verrons quelques éléments qui caractérisent le genre littéraire du livre des Psaumes.

 

 

La formation du livre des Psaumes

Une des premières questions que nous pouvons nous poser en abordant le livre des Psaumes est l’origine de son titre. Waltke explique que le nom « Psaumes » vient de la LXX qui a intitulé ce livre en grec psalmos. La Vulgate qui est la Bible traduite en latin par Jérôme, porte le titre de liber psalmorum. L’intitulé du livre varie quelque peu suivant les manuscrits plus tardifs que nous possédons. Par exemple, le codex B porte le titre de psalmoi, alors que le codex A, lui, a celui de psalterium . Longman et Dillard écrivent que le mot psalmos, choisi par les auteurs de la LXX, est une traduction grecque du mot hébreu mizmor, dérivé de la racine zamar qui signifie « chanter ou jouer d’un instrument à cordes » . Pour eux, cela montre le lien fort entre ce livre et la musique, que l’on retrouve tout au long du psautier. Waltke précise également que certains manuscrits hébreux portent le titre de tehillîm, voulant dire « louanges », et parfois celui de tephillâ qui se traduit par « prières » .

Toujours selon Waltke, nous pouvons trouver une attestation canonique du livre des Psaumes lors de la période du Second Temple grâce aux découvertes de Qumrân (terminus ad quem) . Pour lui, l’édition du psautier s’est faite après le retour d’exil, aux alentours de -520, d’où l’accent particulier mis sur le roi messianique dans un grand nombre de psaumes . Cependant, la datation des psaumes est rendue difficile par le fait qu’ils ne possèdent pas de précisions sur le contexte historique qui leur a donné naissance . Ce que nous pouvons par contre déduire d’après certains psaumes, c’est que la rédaction de ce livre s’étale sur près de mille ans et couvre l’ensemble de l’histoire du peuple d’Israël, de l’exode (Ps 90) au retour d’exil (Ps 137) .

De plus, Waltke explique que le livre dans son ensemble, et chaque psaume individuellement, ont pu être adaptés tout au long de la période de l’Ancien Testament. Longman et Dillard vont dans le même sens en expliquant que les trois derniers versets du psaume 69 impliquent une modification entre David qui est censé être l’auteur et la fin du psaume qui semble dater de l’exil (Ps 69.35-37). Cela met en avant le caractère dynamique du livre . Néanmoins, les ajouts qui ont pu être faits dans divers psaumes ne sont pas juste des morceaux rajoutés bout à bout. Ce fait va à l’encontre de l’idée de certains qui voient plus le livre des Psaumes comme un recueil que comme une œuvre unifiée .

M. Richelle va aussi dans le sens d’un livre cohérent et intègre en faisant remarquer la logique interne du psautier. Il explique en effet que nous pouvons facilement relever la présence de sous-ensembles, ou bien encore de formules récurrentes qui unissent des séries (Ps 111-112) . Il met également en lumière le phénomène d’intertextualité au sein même du corpus de l’Ancien Testament. Ainsi, certains livres historiques citent plusieurs psaumes comme en 2Ch 16.8-43 qui combine des passages du Ps 105.1-15, 96 avec le Ps 106.1, 47-48 . De plus, le cantique d’Anne (1S 2) semble inspiré du Ps 113, tout comme le psaume de Jonas (Jon 2) et celui d’Habakuk (Ha 3) semblent inspirés d’autres psaumes . Ces exemples militent en faveur d’une fixation assez ancienne du livre des Psaumes.

Ensuite, en ce qui concerne la formation progressive du psautier, nous pouvons relever la présence de certains marqueurs textuels récurrents qui séparent les cinq livres qui composent le psautier (Ps 41.14, 72.18-19, 89.53, 106.48) . En effet, chacun de ces livres se termine avec un psaume de louange, et des psaumes royaux concluent les livres 1, 2, et 3 . On peut noter également, le caractère « programmatique » des Psaumes 1 et 2 .

La présence de psaumes exiliques (Ps 89, 106) et postexiliques (Ps 126) tend, quant à elle, à prouver une édition (ou réédition) de ce livre à la suite de l’exil. Comme il a été mentionné précédemment, nous constatons que le livre des Psaumes est constitué de plusieurs ensembles qui étaient probablement à l’origine des collections distinctes. Par exemple, au Ps 72.20, nous pouvons lire : « Fin des prières de David ». Pourtant, nous retrouvons de nouveau des prières de David plus loin dans le livre (Ps 86.1). Cela met en évidence le fait qu’un recueil ancien a été intégré ultérieurement au psautier . De plus, d’autres ensembles sont aussi bien connus, comme le Hallel égyptien (Ps 113-118), les chants des montées (Ps 120-134), le grand Hallel (Ps 136), le Hallel final (Ps 146-150) , les psaumes des fils de Qoré (Ps 42-49), d’Asaph (Ps 50, 73-23), ainsi que des psaumes thématiques (Ps 93, 95-99) . Certains ont aussi parlé d’un psautier élohiste (Ps 42-83) . Pour Waltke, 2Ch 29.30 laisse également supposer plusieurs collections de textes . Enfin, mentionnons le phénomène de décalage des numéros des psaumes entre la LXX et le TM ainsi qu’une mise en page différente.

 

 

La naissance du livre des Psaumes

Selon G.W. Grogan, le livre des Psaumes est un livre de prières né de l’expérience du peuple de Dieu . Ainsi, le livre des Psaumes s’est constitué progressivement, au fil du vécu et du ressenti du peuple de l’alliance. Cependant, malgré les longues périodes qui séparent certains psaumes, et malgré les changements culturels successifs, le cœur humain et ses émotions, eux, n’ont pas changé. Nous lisons donc dans les Psaumes les joies et les peines du peuple et de certaines personnes particulières comme le roi David. Le psautier est une collection, une anthologie, une synthèse des réussites et des échecs d’Israël tout au long de son histoire et de sa relation avec Dieu.

Mais le psautier n’est pas qu’un livre de prières, il est également un livre de louanges. Ces dernières sont une réponse à la révélation de Dieu . C’est aussi un livre d’instruction (torâh), et ce d’au moins deux manières différentes. Premièrement, c’est un livre qui nous instruit sur la personne de Dieu et fait naître en celui qui le lit un désir d’apprendre qui est Dieu et d’apprendre de Dieu. Deuxièmement, le psautier est un livre d’instruction car il contient des psaumes de loi (Ps 119) et des psaumes sapientiaux (Ps 1) .

Ces différentes caractéristiques du psautier peuvent expliquer en partie le fait que ce livre soit presque dépourvu d’éléments historiques. Il y a bien quelques références à l’histoire d’Israël comme l’Exode, les royaumes, l’alliance davidique, mais les éléments postérieurs à David sont plutôt rares (Ps 137) . De fait, étant donné que les psaumes sont volontairement dépourvus d’indications historiques claires et précises, il est certainement contre le désir de l’auteur original d’essayer de les interpréter avec des éléments reconstruits . Ainsi, selon Longman et Dillard, la vraie question qu’il faut se poser pour comprendre correctement un psaume est « comment fonctionne ce psaume dans le cadre du culte de l’Ancien Testament » ?

En ce qui nous concerne, L. Clémenceau relève qu’il y a des différences de traduction ou de numérotation dans nos Bibles qui sont dues au choix des traducteurs de privilégier la LXX ou le TM . Par exemple, dans la LXX, les psaumes 9 et 10, ainsi que 42 et 43, ne sont qu’un seul psaume . Ainsi, pour ce livre biblique, et peut-être encore plus que pour les autres, l’étude de l’histoire de la réception et de la critique textuelle revêt une grande importance. De plus, A. Perrot note qu’il y a de forts rapprochements entre les Ps 20, 29, et 104 avec des psaumes extrabibliques qui justifient de les comparer avec les hymnes anciens du Proche Orient . M. Sanders ajoute que d’un point de vue stylistique, nous pouvons relever de nombreux parallèles dans les psaumes bibliques avec des psaumes païens qui leur sont contemporains.

 

 

Quelques caractéristiques du livre des Psaumes

Le livre des Psaumes a une composition unique dans la Bible. Outre la singularité d’une structure non-narrative , c’est la seule anthologie poétique de l’Écriture, hormis le Cantique des cantiques . C’est un livre de poésie sémitique et proche-orientale classique caractérisée par une métrique peu claire, une absence de rimes , et des lignes poétiques (kola) regroupées en strophes . De nombreuses figures de style composent les psaumes comme les acrostiches hébraïques (Ps 9-10, 25, 34, 37, 111-112, 119, 145), les inclusions (Ps 8) , les chiasmes (Ps 1) , les parallélismes synonymiques ou antithétiques (Ps (Ps 15.1-2, 34.14, 37.16, 132) , des diptyques (Ps 20-21, 105-106, 111-112) , des doublets (Ps 14 / 53, 70 / 40.13-17, 108 / 57.7-11+60.5-12) , ou encore des synopses (Ps 14 / 53, 40 / 70) . Les figures de style comme les hyperboles, les comparaisons, et les métaphores sont abondantes.

M. Sanders écrit que le psautier opère une relecture a posteriori de l’Ancien Testament, et que les Psaumes sont ainsi une expression poétique de la réalité de l’ancienne alliance . Ce sont des poèmes liturgiques destinés à être chantés ou accompagnés musicalement .

En ce qui concerne le genre littéraire des Psaumes, Longman et Dillard en distinguent sept :

– les hymnes avec louange et doxologie finale ,
– les lamentations avec un mélange de tristesse et de joie qui finit généralement en louange ,
– les expressions de reconnaissance en réponse à la lamentation,
– les expressions de confiance avec beaucoup de métaphores concernant Dieu qui protège ,
– les expressions de souvenir évoquant des actes rédempteurs passés,
– des psaumes sapientiaux avec un caractère pratique,
– des psaumes royaux avec pour roi soit Dieu soit le roi d’Israël .
Ils rajoutent que pour ce dernier genre littéraire, la monarchie ne remplace pas la théocratie mais la sert . Plus sobre, Waltke se limite à trois genres de psaumes dont la constitution serait intentionnelle selon le chroniste (1Ch 15-16) :
– la demande (adresse, lamentation, confiance, requête),
– l’action de grâce,
– la louange (déclarative ou descriptive).
Enfin, il est à noter que le livre des Psaumes a la particularité d’être le livre biblique qui compte le plus d’auteurs connus : David (73), Asaph (12), les fils de Qoré (11), Yedoutoun (4), Salomon (2), Hémân (1), Étan (1), et Moïse (1) .

 

 

Conclusion

Pour terminer, nous avons vu que la constitution du livre des Psaumes a été très longue et s’est opérée à plusieurs mains avec un remaniement certain d’éditeurs. Malgré son caractère unique, la tradition juive ne semble pas avoir mis longtemps à lui accorder le statut d’écrit canonique.

Peut-être même que certaines collections étaient déjà reconnues en tant que tel avant leur intégration finale au psautier. Cette richesse, cette diversité, cette longueur historique qui se dévoile et se développe devant nos yeux peut peut-être sembler intimidante et trop complexe à saisir. Cependant, pour celui qui cherche et qui est patient, le livre des Psaumes dévoilera tous ses trésors. Certains critiques ont parfois reproché à la Bible d’avoir un style sec et simpliste. J’espère que la lecture de cet article démontrera le contraire et fera ressortir la complexité et la beauté de la composition divine.

 

 

 

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.