Sur l’entrée du Psautier

 

Dans un précédent article, nous avons mis en relief la structure générale du livre des Psaumes qui se décompose en cinq livres (voir ici). Cela a permis de dégager le message global et cohérent du Psautier. Cet article complète le précédent, car nous allons voir que ce message global est à interpréter au travers d’une double perspective qui nous est donnée par les psaumes 1 et 2. En effet, ces deux psaumes sont reconnus pour être « le porche d’entrée du Psautier ».

Les commentateurs relèvent une inclusion de ces deux psaumes à cause de l’utilisation du terme « heureux » qui débute le psaume 1 et clôt le psaume 2. Cela implique que le ou les éditeurs du Psautier ont regroupé ces deux psaumes afin qu’ils soient lus ensemble. De plus, ils comportent de nombreux points communs, aussi bien dans leur structure que dans les thèmes qu’ils abordent. Ils sont tellement liés l’un à l’autre que là où nous lisons habituellement « psaume deuxième » en Actes 13.33, certains manuscrits comportent à la place « psaume premier » [1].

 

 

Le Psaume 1

Le psaume 1 se lit comme un des proverbes de la Bible. Il met en avant deux types de personnes très différentes qui ont des modes de vie très opposés. D’un côté, il y a celui qui est sage et juste. De l’autre, se tient le méchant. Le premier prend plaisir à méditer l’instruction du Seigneur. Le second préfère mener sa vie par lui-même. Il se moque de Dieu et de ceux qui lui sont fidèles. C’est souvent le méchant qui semble réussir aux yeux du monde. Cependant, ce psaume explique que celui qui est connu de Dieu, qui porte du fruit et est digne de se tenir dans la communauté de l’alliance pour adorer le Seigneur, c’est le juste.

Cette lecture amène plusieurs remarques. Déjà, cette dimension sapientiale fait passer le livre des Psaumes « du simple recueil de chants pour le culte communautaire à un livre pour l’édification et l’instruction personnelle »[2]. Ensuite, la sagesse appelle ici le lecteur à vérifier sa situation spirituelle. Elle lui demande une certaine piété et une certaine éthique avant d’avancer dans le livre. Enfin, B. Waltke écrit que ce psaume fonctionne comme une porte de jardin, protégeant les hymnes sacrés du peuple juif contre les abus [3]. Selon lui, il faut être capable de pouvoir dire «amen » au psaume 1 avant d’entrer plus avant dans le Psautier. En effet, seul celui qui garde l’alliance peut demeurer dans la présence du Seigneur.

 

 

Le Psaume 2

Le psaume 2 est un élargissement du psaume 1. Les choses se précisent et s’universalisent. Le juste du premier psaume devient maintenant le roi, et le méchant est représenté par les nations. Le psaume 2 nous introduit dans la prière du roi et nous conduit à interpréter les Psaumes en rapport avec le roi et par rapport à eux-mêmes en tant que peuple du royaume [4].

Cependant, bien que le message du psaume 2 semble assez clair, une lecture attentive fait rapidement naître le doute et une certaine confusion. En effet, le roi présenté dans ce psaume semble bien au-dessus du David des livres historiques, aussi bien qu’au-dessus de n’importe quel autre roi. C’est aussi le seul passage de la Bible qui regroupe en quelques versets les termes « oint/messie », « roi », et « fils » [5]. De plus, l’auteur laisse planer une certaine ambiguïté entre le Seigneur et son oint –  ambiguïté que l’on retrouve dans d’autres passages messianiques (Os 3.5 ; Mi 2.13-14 ; Za 11.10, 12.10). Il semble donc que l’on assiste dans ce psaume « à la naissance du roi messianique universel et éternel postexilique », pour reprendre les mots de J.H. Hutchinson [6].

 

 

Comprendre ces deux psaumes ensemble

L’introduction du Psautier crée d’emblée une forte attente messianique. Cette attente se développe dans les deux premiers livres (Ps 1-72) avant d’atteindre la crise dans le livre 3 (Ps 73-89) et de se réaliser à partir du livre 4 (Ps 90.ss).

Ces deux psaumes contiennent également une bénédiction chacun, un « heureux ». Ils enseignent comment éviter le chemin de celui qui se perd. James Helly Hutchinson explique que pour cela, il faut méditer l’instruction du Seigneur (Ps 1), et servir Dieu tout en trouvant refuge auprès du fils (Ps 2) [7]. Le fait de méditer l’instruction de Dieu dans le psaume 1 revient à comprendre que le fils du Seigneur est l’héritier et le futur juge du monde dans le psaume 2. C’est pourquoi, il faut servir Dieu tout en trouvant refuge auprès du fils. Le Psautier tout entier est donc à comprendre comme une méditation du Psaume 2.

De plus, nous avons mentionné dans le précédent article que le livre 4, le cœur théologique du Psautier, est une méditation des 5 livres de Moïse (Ps 90, 106) [8]. Cela revient à dire que méditer l’instruction de Dieu, c’est méditer tout le Psautier ET le Pentateuque.

 

Finalement, l’homme juste du psaume 1 pourrait être n’importe quel croyant du Nouveau Testament : Jean-Baptiste, Pierre, Paul, Apollos. Comme le dit J.H. Hutchinson, le Psautier serait leur parcours de méditation du Psaume 2 à la lumière de la théologie du Pentateuque. Notre contexte – bien que la culture, elle, ait changé – se rapproche du contexte de ces croyants du Nouveau Testament. Nous sommes aujourd’hui encore appelés à méditer et à mettre en pratique la Parole de Dieu, comme eux (Ps 1, 119) [9]. Cependant, il y a tout de même une différence avec la plupart de ces croyants, car nous vivons de l’autre côté de la croix. En Jésus, nous pouvons contempler « l’aujourd’hui » du Psaume 2. La venue du fil messianique (Ps 2) s’est réalisée dans la venue du roi-prêtre (Ps 110). Méditer sur le livre des Psaumes, c’est donc aussi quelque part méditer sur l’Évangile [10].

 

 

 

Notes et références

[1] M. Richelle, Guide pour l’Exégèse de l’Ancien Testament : Méthodes, Exemples et Instruments de Travail, Excelsis, Édifac, Charols, Vaux-sur-Seine, 2012, p. 59, 99.

[2] Ibid., p. 60.

[3] B. Waltke, Théologie de l’Ancien Testament, Excelsis, Charols, 2012, p. 954.

[4] Ibid., p. 955.

[5] J.H. Hutchinson, « Le messianisme dans le livre des Psaumes : typologie et tension », Redécouvrir les Psaumes : Actes du Colloque 2012 à Vaux-sur-Seine, collection Interprétation, Excelsis, Édifac, Charols, Vaux-sur-Seine, 2015, p. 179.

[6] Ibid., p. 173.

[7] Ibid., p. 111.

[8] Ibid., p. 113

[9] Ibid., p. 149-150.

[10] Ibid., p. 149.

 

 

 

 

 

Abonnez-vous au Bon Combat

Recevez tous nos nouveaux articles directement sur votre boîte mail ! Garanti sans spam.

Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.