Sur la structure du Psautier

 

Le livre des Psaumes est un livre important aussi bien dans le judaïsme que dans le christianisme. Cette importance se démontre par exemple dans les différentes éditions du Nouveau Testament qui s’accompagnent en fin de livre du Psautier. D’une manière générale, les chrétiens, même ceux qui ne sont pas familiers de l’Ancien Testament, connaissent et lisent les Psaumes. Ce livre est fascinant. Cependant, beaucoup se perdent dans le Psautier, ne sachant pas comment l’utiliser. Par où commencer ? Comment faut-il le lire ? Faut-il prendre les psaumes par groupes, indépendamment les uns des autres ?

Souvent, le message global du livre se perd parce que l’on fait notre lecture en piochant des psaumes par-ci ou par-là, suivant un peu notre humeur du jour, un plan de lecture, ou relisant les psaumes qui nous ont accompagnés durant certaines épreuves. D’ailleurs, le livre des Psaumes est-il juste une collection d’hymnes Juifs regroupés en un livre, ou a-t-il un message cohérent et un agencement réfléchi ? Dans cet article – et ceux qui suivront, nous allons répondre à ces questions – et à d’autres – en espérant que le Psautier s’ouvre à nous, et que nous puissions l’appréhender et le comprendre d’une manière nouvelle. Commençons cette série avec la structure interne du livre des Psaumes.

 

 

Architecture globale

Le livre des Psaumes se divise lui-même en 5 petits livres (Ps 1-41, 42-72, 73-89, 90-106, 107-150). Un changement d’auteur se fait aux différentes césures (David, descendants de Koré, Asaph, Moïse, et un auteur inconnu). Cette division et cette articulation en 5 livres est importante à repérer, à retenir, et à comprendre pour saisir le message global du Psautier. En effet, de nombreux théologiens et exégètes ont fait ressortir un message principal pour chacun de ces livres. Ce qui est intéressant, c’est que ces différents messages constituent une trame, un développement historique et théologique, qui obligent le lecteur à interpréter le Psautier d’une certaine manière. Cet arrangement n’est donc pas aléatoire et ne doit pas être négligé par le lecteur, sous peine de rater le message principal du ou des éditeurs du Psautier, voire pire, d’interpréter d’une mauvaise manière tel ou tel psaume. C’est un peu ce que fait le Diable dans son utilisation du psaume 91.11-12 (Mt 4.6). Le psalmiste a un projet théologique. Nous devons donc le rechercher.

Pour résumer la pensée de plusieurs commentateurs, disons que le livre 1 des Psaumes concerne essentiellement le roi David, sa relation avec Dieu, et l’alliance que l’Éternel a conclue avec sa famille (Ps 2). Le roi est l’exemple de l’homme juste et sage qui médite et prend plaisir à l’instruction (torâh) de Dieu (Ps 1). L’oint de YHWH est bien au-dessus des autres rois de la terre (Ps 18). Ses souffrances de serviteur de l’Éternel sont régulièrement mises en avant (Ps 22). Pourtant, malgré sa grandeur et sa relation particulière à Dieu, le roi tombe souvent dans le péché, ce qui entraîne des défaites et la maladie (Ps 34-41).

Le livre 2 continue sur la même lancée, mais l’écart entre le vrai David et le messie du psaume 2 se creuse toujours plus (Ps 51). Nous trouvons ainsi un David âgé et usé à la fin de ce livre (Ps 71). Cependant, il y a de l’espoir en la descendance du roi au travers de la personne de Salomon (Ps 45, 72). Cette attente envers le roi Salomon est malheureusement elle aussi brisée dans le livre 3.

Ce livre est le plus sombre du Psautier. On peut sentir le ton insistant et l’urgence de la situation dans les paroles du psalmiste (Ps 73). L’ombre de l’exil se fait toujours plus pesante au fur et à mesure de la lecture. Le psalmiste s’angoisse (Ps 74), et c’est le désespoir qui l’emporte à la fin avec le psaume qu’on appelle « le mouton noir » du Psautier (Ps 88). Cependant, tout n’est peut-être pas perdu pour le peuple élu. En effet, la figure énigmatique du serviteur souffrant du Seigneur refait son apparition (Ps 86) et provoque le questionnement du psalmiste au milieu de sa lamentation (Ps 89). Ce dernier va recevoir une réponse dans ce qui constitue le livre 4.

Ce livre peut être considéré comme le centre, le cœur théologique du psautier. En effet, dans ce quatrième livre, l’espoir renaît. Non pas parce que le psalmiste compte sur ses propres forces ou celles de son peuple, mais parce qu’il tourne ses regards vers le passé et se souvient de l’alliance de Dieu avec Abraham et des promesses qui y sont attachées. De plus, ce livre qui s’ouvre (Ps 90) et se conclut (Ps 106) avec Moïse appelle le lecteur à retourner à la méditation de la loi de Dieu. Les grands thèmes du Pentateuque sont très présents, comme la création (Ps 104) et l’exode (Ps 90). Parce que Dieu est « fidèle », il accomplira ce qu’il a promis à Abraham (Ps 90.14 ; cf. Ex 32 ; Dt 9). De plus, le trône davidique étant vide, c’est maintenant Dieu lui-même qui est le roi et qui exerce son règne souverain. Cependant, tout comme David, le médiateur Moïse n’est pas exempt de péchés et de reproches (Ps 106). Cela signifie qu’un médiateur plus grand doit encore venir. Peut-être pouvons-nous apercevoir la figure du serviteur souffrant du prophète Ésaïe dans le psaume 102 ? Il n’y a pas la réponse au problème du peuple dans ce livre, mais naît progressivement une espérance messianique fondée sur l’alliance abrahamique.

Cette espérance donne un caractère doxologique au livre 5, ponctué d’halléluiah. Dieu est loué pour sa fidélité ainsi que pour la venue imminente du messie. Le psaume 110 nous présente un personnage mystérieux, comparable à Dieu lui-même, qui est à la fois roi et grand-prêtre d’un sacerdoce éternel différent de celui des lévites. La réalisation des différentes promesses se réalise (Ps 132, 144). L’image du serviteur souffrant refait son apparition sous la forme d’une pierre rejetée, mais qui vient libérer son peuple par un nouvel exode (Ps 118). Le personnage de David qui nous est présenté dans ce livre est très différent du premier livre. Le roi est choisi ici comme type d’un roi messianique encore à venir. Cela nous oblige à réinterpréter les psaumes davidiques des deux premiers livres à la lumière du dernier livre (Ps 108 ; cf. Ps 57). Le Psautier se termine avec cinq psaumes de louange dont le psaume 148 est le centre. Le nom de Dieu est élevé et loué car le véritable roi-messie arrive.

 

 

L’importance du roi messianique

Le livre des Psaumes a une structure repérable qui ne laisse pas place au hasard. Les cinq livres qui le composent ont été agencés de telle manière que l’histoire du peuple d’Israël se déroule de façon organisée devant nos yeux. Cependant, cette histoire ne se termine ni en exil ni avec le retour d’Esdras et de Néhémie. Certaines promesses se sont réalisées, mais le peuple sait que quelque chose de plus grand doit encore arriver. Le roi messianique en sera l’instigateur. James Helly Hutchinson résume ainsi le message du Psautier : « Le roi messianique du psaume 2 présente des points de contact avec le grand David (Livre 1).

Mais à l’inverse de lui qui est malade, pécheur, et persécuté, ce roi fera preuve de suprématie et de justice comme le laisse penser Salomon (Livre 2). Sa venue se situe néanmoins après l’Exil (Livre 3), et est garantie par les promesses de l’alliance (Livre 4). Elle instaurera un nouveau régime glorieux pour lequel YHWH est loué (Livre 5) »[1]. De nombreuses fois, les auteurs du Nouveau Testament affirment que ce roi tant attendu n’est autre que Jésus. Leurs multiples reprises des psaumes 2, 8, 16, 22, 45, 69, 110, et 118 (entre autre) le prouvent. Contrairement aux psalmistes nous vivons de l’autre côté de la croix, et la Bible nous révèle cette venue qu’ils ne faisaient qu’espérer. Quelle grâce nous avons. Halléluiah, soit loué Seigneur !

 

 

 

 

Notes et références

[1] J.H. Hutchinson, « Le messianisme dans le livre des Psaumes : typologie et tension », Redécouvrir les Psaumes : Actes du Colloque 2012 à Vaux-sur-Seine, collection Interprétation, Excelsis, Édifac, Charols, Vaux-sur-Seine, 2015, p. 128.

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.