Combien d’auteurs ont-ils contribué au livre d’Esaïe ?

C’est LA question qui revient toujours lorsque que l’on apprend que je focalise mes recherches sur le livre d’Esaïe depuis quelques années : combien d’auteurs y ont-ils contribué ? La question vous étonne peut-être, surtout si vous n’avez connu la Bible que par l’intermédiaire des milieux évangéliques.

Pourtant, dans les cercles académique, la position multi-auteur constitue le consensus majoritaire, un véritable socle interprétatif considéré comme un axiome par les spécialistes de tous bords. À tel point que les défenseurs de l’approche traditionnelle sont souvent ignorés, voire dénigrés. Fait davantage préoccupant, de plus en plus de facultés et d’institutions évangéliques possèdent en leur sein des professeurs d’Ancien Testament qui soutiennent cette thèse.

Mon but, dans cet article, n’est pas de discuter en détail des arguments de la position multi-auteur (variations de style, tensions internes, Vaticinium ex eventu [prophétie après les faits], etc.). Je veux simplement lister ici les principaux arguments qui, à mes yeux, sont décisifs pour attribuer la paternité du livre d’Esaïe au fils d’Amots lui-même.

Les voici :

(1) Les quinze livres composant les Nevi’im (Esaie, Jérémie, Ezechiel, et les douze « petits prophètes) commencent avec une accroche mentionnant le nom du prophète. Parallèlement, en Esaïe 1-39, on retrouve quatre attributions de sections distinctes au prophète Esaïe (Es 1.1; 2.1; 13.1; 20.2). Cependant, nous ne retrouvons aucune mention de ce type au début d’Esaie 40-66, alors que la plupart des spécialistes critiques placent la disjonction à cet endroit précis. Cela suggère que l’auteur de cette section et celui de 1-39 n’est qu’une seule et même personne.

(2) Les auteurs du Nouveau Testament font allusion à l’ensemble des parties du livre d’Esaïe et attribuent ces citations au prophète du même nom (cf. Mt 3.3; 4.14; 12.17; 13.14; 15.17; Mc 1.2; 7.6; Lc 3.4; 4.17; Jn 1.23; 12.38-41: Ac 8.28, 30-25; 28.25; Rm 9.27-29; 10.16, 20; 15.12). On notera qu’en Jn 12.38-41, ce sont deux passages distincts d’Esaïe qui sont placés côte à côte et attribués au même auteur: Es 53.1 [Jn 12.38] et Es 6.9-10 [Jn 12-39-40]. Là encore, le NT ne semble pas considérer que les deux grandes sections du livre, 1-39 et 40-66, soient le fruit d’auteurs différents.

(3) En 25 siècles, personne n’a contesté l’attribution traditionnelle de ce livre, à l’exception d’un interprète juif de la période médiévale, Ibn Ezra. Philo, Josèphe, plusieurs fragments de Qumran, des apocryphes de l’AT et du NT, des pseudépigraphes, et des Pères apostoliques concluent unanimement l’implication directe d’Esaïe dans l’ensemble des portions du livre qui porte son nom.

(4) 1QIsaa, le célèbre rouleau retrouvé à Qumran, ne témoigne d’aucune trace de césure entre les chapitres 39 et 40. Il n’existe aucun témoin textuel suggérant qu’Es 1-39 et 40-66 aient circulé indépendamment l’un de l’autre.

 

Ces arguments n’excluent pas, bien sûr, des éditions scribales mineures, qu’elles interviennent au moment de la collection des oracles ou lors de la transmission du livre.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

 

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël