Haman, Assuérus, et l’importance du vêtement dans la Bible

 

Dans ma prédication de dimanche dernier (ici), j’affirmais que Haman était possédé par sa soif d’honneur et de pouvoir, au point de convoiter le trône royal. L’argument principal qui m’amène à penser ainsi se trouve dans le conseil que Haman donne à Assuérus (alias Xerxès Ier) quand celui-ci lui demande, « Que faire à un homme que le roi désire honorer? » (Esther 6.6).

Aussi incroyable que cela puisse paraître, près de 2500 ans avant Vinted (!), c’est une tunique d’occasion qui se trouve être l’enjeu de l’ambition sans limite du dernier des amalécites.

 

 

La tunique déjà portée

Croyant que cet honneur lui était destiné, Haman demande à être revêtu d’une tunique que le roi à déjà portée, de chevaucher une monture royale, et d’être promené avec une proclamation honorifique sur la place principale de Suse, la capitale de l’empire Perse.

Or, le simple fait de demander à porter un vêtement de la garde robe du roi tenait lieu de prétention au trône, comme le note Adele Berlin (Esther, 59) :

Le vêtement d’une personne est comme une partie de son corps, voire une partie de son être. On déchire ses vêtements en signe de deuil, ce qui est une sorte de substitut aux scarifications que l’on porterait à son propre corps (un acte interdit en Dt 14.1-2). Couper la moitié du vêtement d’une homme et raser la moitié de sa barbe revient à l’humilier sans lui causer de dommage corporel (2 Sam 10.4-5). Lorsque les commandants de l’armée étendent leurs vêtements sur l’escalier afin que Jéhu y marche, ils manifestent ainsi leur soumission et leur loyauté (2 R 9.13). Les vêtements sacerdotaux d’Aaron sont revêtus par Éléazar, son fils, lorsqu’il hérite de sa fonction (Nb 20.25-28). Le manteau d’Élie symbolise la fonction prophétique mais également sa personne ; le fait qu’Élisée reçoive ce manteau indique qu’il a remplacé Élie. Quand David découpe un coin du manteau de Saül (1 Sam 24), cela s’inscrit dans l’esprit des deux hommes comme une forme symbolique de prise de la royauté. Il existe donc une tradition biblique étendue qui offre une explication contextuelle à la demande de Haman.

 

Berlin note également qu’un interdit semblable, rapporté par Plutarque dans ses Vies Parallèles, était encore en cours au temps d’Artaxerxes II (roi de Perse ayant régné de 405 à 359 av. J.C.).

 

 

L’importance du vêtement dans la Bible

Au delà de la demande de Haman, la réflexion d’Adele Berlin montre l’importance du vêtement dans la symbolique biblique. Il ne s’agit pas d’un simple apparat : ce que l’on porte démontre tout simplement qui l’on est.

Une telle affirmation est difficile à recevoir pour les croyants occidentaux habitués de longue date au règne de la « fast fashion » et à ses styles interchangeables (et insipides). Cependant, dans l’antiquité, il était rare de posséder plusieurs tenues différentes, à moins d’être un noble ou un personnage important. On ne s’attribuait pas un style particulier, sauf si l’on voulait communiquer un message (par ex., un vêtement de deuil).

Dans la Bible, les choix vestimentaires sont souvent le prolongement de l’activité, ou des circonstances d’une personne :

• Après Elie, les prophètes (ou ceux qui voulaient se faire croire qu’ils l’étaient !) portaient des vêtements de poil (cf. Zach 13.4).
• Au premier siècle, les pharisiens portaient de longues robes sombres (Mc 12.38).
• On a revêtu Jésus de pourpre pour se moquer de sa royauté (Mc 15.20). Le pourpre était une étoffe réservée aux riches (cf. Lc 16.19).
• Et au ciel, nous serons revêtu de vêtements blancs ! (Pas de chance pour les aficionados du style dark).

 

Ainsi, si vous faites partie de ceux qui se soucient peu de leur style vestimentaire ou de l’image qu’ils renvoient, gardez en tête que les auteurs bibliques pensaient différemment sur cette question. Tous comme les noms propres, les habits sont porteurs d’un message, dans la Bible. Tâchons (sans nous tacher) de ne pas passer à côté.

 

 

 

Autres ressources sur le livre d’Esther :

 

Abonnez-vous au Bon Combat

Recevez tous nos nouveaux articles directement sur votre boîte mail ! Garanti sans spam.

Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël