Martin Luther sur la perspicuité des Écritures.

Dans le traité Du serf arbitre, écrit en décembre 1525 en réponse à la Diatribe sur le libre arbitre d’Erasme de Rotterdam (septembre 1524), Martin Luther développe un des éléments fondamentaux de la foi protestante, ce qu’il décrit comme le « pivot » de la foi chrétienne (p. 459): la question de la liberté humaine, plus particulièrement la question de savoir si l’homme a encore un libre arbitre ou s’il a plutôt un serf arbitre. J’aimerais en publier quelques extraits marquants aujourd’hui et dans les semaines qui viennent. 
Dans les extraits ci-dessous, Luther aborde la question de la perspicuité, autrement dit, de la clarté des Écritures. Nous voyons encore l’actualité de ces propos à l’heure du scepticisme et du relativisme religieux. [Voir à ce sujet l’étude de Pascal Denault « La Bible est-elle assez claire pour donner une connaissance certaine de Dieu? » à partir de la Deuxième confession baptiste de Londres de 1689.] 
Tout d’abord, M. Luther souligne, à bon droit, le caractère christocentrique des Écritures. Il en est le centre et la clé herméneutique : 
(p. 79) Certes, j’avoue que beaucoup de passages dans les Écritures sont obscurs et difficiles à interpréter, non pas à cause de la grandeur des choses, mais à cause de l’ignorance des mots et de la grammaire : ces passages-là n’empêchent en rien la connaissance de toutes les choses contenues dans les Écritures. En effet, y a-t-il une chose plus vénérable encore qui puisse rester cachée dans les Écritures, après que les sceaux ont été rompus, que la pierre a été roulée hors de l’ouverture du sépulcre et que ce mystère suprême a été dévoilé – à savoir que le Christ, fils de Dieu, a été fait homme, que Dieu est trine et un, que le Christ a souffert pour nous et régnera éternellement? Ces choses ne sont-elles pas connues et chantées même dans les carrefours? Enlève le Christ des Écritures. que pourras-tu y trouver de plus? Ainsi donc, toutes les choses contenues dans les Écritures sont dévoilées, quand bien même certains passages sont encore obscurs, parce que les mots ne nous sont pas connus.
Il enchaîne ensuite sur la notion qui nous intéresse, à savoir la perspicuité des Écritures :
(p. 79) Il est insensé et impie de savoir que toutes les choses contenues dans l’Écriture sont placées dans une très claire lumière, et de prétendre toutefois qu’elles sont obscures, à cause de quelques mots obscurs. Si dans tel passage les mots sont obscurs, dans tel autre ils sont clairs. Mais c’est la même chose, annoncée de façon très manifeste au onde tout entier, qui est tantôt exprimée par des mots (p. 80) clairs, tantôt cachée par des mots obscurs. Peu importe, lorsqu’une chose est en pleine lumière, que l’un de ses signes se trouve dans les ténèbres, alors que beaucoup d’autres, pendant ce temps, sont dans la lumière. Qui s’aviserait de dire qu’une fontaine publique n’est pas en pleine lumière, parce que ceux qui habitent dans une ruelle ne la voient pas, alors que tous ceux qui sont sur la place publique la voient? Par conséquent, ta référence à la caverne corycienne ne rime à rien. Ce n’est pas ainsi que se présente l’affaire dans les Ecritures. Et pour les mystères de la plus haute majesté, d’accès très diffi­cile, ils ne sont pas cachés dans un recoin mais ils sont, devant les portes -et à la vue de tous, mis en avant et exposés.
Le Christ en effet nous a ouvert l’intelligence, afin que nous comprenions les Écritures a ; et l’Évan­gile est prêché à toute créature. «Leur retentisse­ment a parcouru toute la terre. » «Et tout ce qui a été écrit, l’a été pour notre instruction. » Et encore : « Toute écriture est inspirée de Dieu, et utile pour instruire.» Ainsi donc, toi et tous les sophistes, allez donc, et produisez un seul mystère qui, dans les Ecritures, soit encore difficile à pénétrer! Si pour­tant bien des choses restent difficiles à pénétrer pour beaucoup de gens, cela ne provient pas de l’ obscu­rité de l’Ecriture, mais de leur propre cécité ou de leur manque de cœur – eux qui n’agissent pas pour voir la très claire vérité, comme Paul dit des Juifs dans II Corinthiens IV: « Un voile reste sur leur cœur »: et encore: « Si notre Évangile est encore voilé, il est voilé pour ceux qui périssent, pour ceux dont le dieu de ce siècle a aveuglé les cœurs. » Avec (p.81) la même irréflexion, un homme qui se voilerait les yeux ou qui irait de la lumière dans l’obscurité pour­rait accuser le soleil et le jour d’être obscurs.
Qu’ils cessent donc, ces hommes misérables, d’imputer, avec une perversité blasphématoire, les ténèbres et l’obscurité de leur propre cœur aux très claires Écri­tures de Dieu!
Toi donc, lorsque tu invoques Paul disant: « Ses jugements sont incompréhensibles », tu parais rap­porter le possessif « ses» à l’Écriture. Or, Paul ne dit pas: « Les jugements de l’Écriture sont incom­préhensibles», mais «les jugements de Dieu». De même Ésaïe XL ne dit pas: «Qui connaît la façon de penser qui est celle de l’Écriture? », mais « la façon de penser qui est celle du Seigneur ». Paul, toute­fois, affirme que les chrétiens connaissent la façon de penser qui est celle de Dieu, mais seulement dans les choses qu’il nous a données, comme il le dit au même endroit, I Corinthiens Il. Tu vois donc avec quelle négligence tu as examiné ces passages de l’Écriture – et tu les as cités avec autant d’à-propos que presque tous ceux que tu cites en faveur du libre arbitre! […]
(p. 82) Pour parler brièvement, je dirai que la clarté de l’Écriture est double, tout comme est double son obscurité. L’une est extérieure et réside dans le ministère de la Parole; l’autre est intérieure et se situe dans la connaissance qui est celle du cœur. Si tu as parlé de la clarté intérieure, aucun homme ne voit un seul iota dans les Écritures, sinon celui qui a l’Esprit de Dieu. Tous les hommes ont le cœur obscurci, de sorte que même s’ils disent et s’ils savent proclamer tout ce qui se trouve dans l’Ecriture, il n’en comprennent ou n’en apprennent rien. Et ils ne croient pas en Dieu , ni qu’ils sont des créatures de Dieu, ni quoi que ce soit d’autre, selon cette parole du Psaume XIII: « L’insensé dit dans son cœur : Dieu n’est rien. » En effet, l’Esprit est nécessaire pour comprendre toute l’Écriture ou n’importe quelle partie de celle-ci. Si tu as parlé de la clarté extérieure, il ne reste vraiment rien d’obscur ou d’ambigu, mais toutes choses ont été mises par la Parole dans une lumière très certaine, et annoncées au monde entier quelles qu’elles soient dans les Écritures.

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André Pinard est pasteur de l'Église réformée-baptiste de l'Outaouais (Québec, Canada).