Voici comment Luc présente le témoignage de Paul dans la continuité de celui de Jésus

 

Dans ma prédication de dimanche dernier à Shawinigan (ici), j’ai indiqué que Luc semble agencer le témoignage de Paul devant Agrippa (Actes 26) de manière semblable à son récit de la défense de Jésus (Luc 23.1-25).

Dans ce court article, j’aimerais brièvement rappeler les similitudes les plus marquantes entre ces deux passages et suggérer quelques pistes de réflexions supplémentaires.

 

Quelques similitudes marquantes entre ces deux passages

Cette liste provient en grande partie du commentaire monumental de Craig Keener (4 volumes, 3800 pages hors bibliographie !) qui s’appuie lui-même les travaux de O’Toole :

  1. Il s’agit de deux audiences légales.
  2. Quatre personnages principaux similaires (un gouverneur romain, un « Hérode », des accusateurs parmi les principaux responsables juifs, et l’accusé).
  3. C’est le procureur/gouverneur qui initie l’audience.
  4. L’accusé est « mené » (ago), ce qui semble être un verbe clé dans les deux passages (Lc 23.1 / Ac 25.6, 22). Ainsi, Luc connecte ces deux témoignages au motif du serviteur souffrant (« saisi », « mené », cf. Es 53.6-8, 12).
  5. L’accusé est reconnu innocent dans les deux passages. À chaque fois, le gouverneur reconnait son innocence avant et après le procès, ce que le dignitaire hérodien approuve.
  6. Cependant, bien qu’il soit innocent, l’accusé ne peut être libéré : Jésus meurt, et Paul reste en prison avant d’être envoyé à César.
  7. L’accusation est identique dans les deux cas : on reproche à Jésus comme à Paul un acte de rébellion contre Israël et contre César.
  8. Les accusateurs sont également les mêmes : il s’agit des prêtres et de quelques membres du Sanhédrin.
  9. À chaque fois, l’accusé finit par comparaître devant un dirigeant issu de la famille d’Hérode qui est en visite et qui demande à entendre le prisonnier.
  10. Plusieurs similitudes littéraires moins décisives peuvent être mentionnées. Par exemple les deux sections pourraient être ôtées sans que le flux narratif ne soit affecté, etc.

 

Pourquoi Luc procède-t-il ainsi ?

Keener note que la défense de Paul est plus longue que celle de Jésus. Elle inclut davantage de dialogues et contient des éléments qui ne pouvaient être connu que d’un témoin oculaire (cf. Keener, vol. 4, 3449-3450).  À l’inverse, le traitement du procès de Jésus semble s’appuyer sur des sources historiques bien établies, sans doute déjà écrites, plutôt que sur des témoignages.

Certainement, Luc insiste sur l’innocence de Paul et la met en parallèle avec celle de Jésus. Mais son intention principale est de présenter le ministère de l’apôtre dans la continuité de celui du Maître. En souffrant pour annoncer la Parole de Dieu jusqu’à Rome, Paul accomplit le mandat missionnaire que le Christ a confié à ses disciples (Mt 28.18-20 ; Ac 1.8). Le fait que Paul soit dépeint comme un serviteur souffrant accentue cette perspective.

La défense de Paul fait également écho aux exhortations de Jésus sur les persécutions qui suivraient sa mort :

Quand on vous mènera devant les synagogues, les magistrats et les autorités, ne vous inquiétez pas de la manière dont vous vous défendrez ni de ce que vous direz; car le Saint-Esprit vous enseignera à l’heure même ce qu’il faudra dire.
– Luc 12.11-12

 

Le fait que Paul ne soit pas représenté par un avocat, contrairement aux juifs qui, à une occasion au moins, étaient accompagnés d’un certain Tertulle (Ac 24.1), est particulièrement significatif. Son intention principale n’est pas de se défendre, mais de glorifier Dieu par sa captivité (cf. Ph 1.12-14). Il n’est donc pas étonnant que Paul fasse appel à César avant même le verdict : il sait qu’il doit aller à Rome, et il y va avant tout pour y apporter la Parole de Dieu devant César.

Ainsi, comme Jésus avant lui, Paul ne fait aucun cas de sa vie, pourvu que Dieu soit glorifié par son témoignage et par ses oeuvres. En cela, il est un disciple du Maître.

 

 

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Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël