L’inerrance et la doctrine de la création
Dans l’épisode d’hier du podcast « Un pasteur vous répond », Florent Varak citait deux articles issus des deux premières Déclarations de Chicago sur l’inerrance biblique.
Les voici :
« Nous affirmons que l’Écriture dans son intégralité est inerrante, exempte de toute fausseté, fraude ou tromperie. Nous rejetons l’opinion qui limite l’infaillibilité et l’inerrance de la Bible aux thèmes spirituels, religieux, ou concernant la rédemption, et qui exclut les énoncés relevant de l’histoire et des sciences. Nous déclarons, en outre, illégitime l’emploi d’hypothèses scientifiques sur l’histoire de la terre pour renverser l’enseignement de l’Écriture sur la création et le déluge. » (1ère déclaration, Art. XII)
–
« Nous affirmons que Genèse 1-11 raconte des faits comme tout le reste de ce livre. Nous rejetons la théorie selon laquelle les enseignements de Genèse 1-11 sont mythiques comme nous rejetons l’idée que des hypothèses scientifiques sur l’histoire de la terre et l’origine de l’homme puissent être invoquées pour renverser ce que l’Écriture enseigne sur la création. » (2e déclaration, Art. XXII)
Quelques remarques :
- Comme l’on pouvait s’y attendre, ces déclarations excluent l’option de l’inerrance limitée, pourtant si souvent invoquée par des sites se réclamant de la mouvance évangélique. Je rappelle ici ce qui a déjà été dit dans le podcast d’hier : de notre point de vue, l’inerrance plénière est une caractéristique distinctive du mouvement évangélique. En conséquence, des sites comme « Biologos » dans le monde anglo-saxon ou « Science et Foi » en francophonie ne devraient pas être rangés parmi les œuvres évangéliques.
– - La déclaration considère également que les hypothèses scientifiques ne devraient pas déterminer les conclusions de l’exégèse biblique, en particulier sur les textes ayant trait à la création et au déluge. Ici, de mon point de vue, sont concernées toutes les approches théologiques questionnant la vision traditionnelle d’Adam, qu’elles soient inerrantistes ou non, historiques ou non. Les Déclarations de Chicago ne me paraissent pas s’accorder avec les approches envisageant d’autres hominidés antérieurs ou contemporains à l’Adam historique et provenant d’une autre source que lui.
– - Lorsque la déclaration affirme que « Genèse 1-11 raconte des faits comme tout le reste de ce livre », elle entend par là des faits historiques. Elle ne semble pas limiter l’historicité de ces récits à un ou deux éléments seulement (par ex. : Adam et/ou la chute). Le fait que les enseignements de Genèse 1-11 soient placés sur un pied d’égalité historique avec « le reste de (la Genèse) » témoigne de la préférence des rapporteurs des Déclarations pour l’approche narrative/littérale, celle que nous défendons dans notre série de podcasts.
J’ai reçu de vives critiques lorsque j’ai affirmé que la théorie du cadre littéraire telle que défendue par Henri Blocher ne s’accorde pas avec les trois Déclarations de Chicago. Comprenons-nous bien : je ne dis pas qu’Henri Blocher et ceux qui adhèrent à son approche rejettent l’inerrance, bien au contraire ! J’estime simplement qu’en tant que signataire des déclarations Chicago, il n’adhère pas pleinement à leur lecture Gen 1-11.
[MAJ du 19/12/2017] Cependant, Henri Blocher défend sans ciller la cohérence entre la théorie du cadre et les déclarations. Dans un entretien particulièrement éclairant accordé à la revue Servir en l’attendant (CAEF), il rapporte « la pression assez forte de la part des ‘créationnistes’ pour que leur position soit affirmée ». Mais il ajoute : « Le comité responsable a su résister à cette pression et laisser une interprétation assez libre de la Genèse. Les articles, tels qu’ils sont écrits, rendent tout à fait possible une lecture autre que littéraliste de Genèse 1.3 »
Henri Blocher n’émet donc aucune réserve quant à ces deux articles. Pour lui, la théorie du cadre et les approches littéraires semblables sont pleinement compatibles avec les formulations de Chicago. A titre personnel, je prends note, mais je reste dubitatif quant à la manière dont cette compatibilité peut s’articuler. A mon sens, l’approche narrative/littérale est la plus cohérente pour les évangéliques soucieux de préserver l’inerrance plénière des Ecritures.