Le chrétien est-il appelé à travailler en équipe ?

Que dit la Bible du travail en communauté ? Cette série de trois articles a pour but de démontrer que ce n’est pas un aspect négligeable du plan rédempteur divin, et que la Parole a bien des choses à nous communiquer sur ce sujet !

 

Introduction

Dans le film « Seul au monde », Tom Hanks incarne Chuck Noland, un ingénieur qui, suite à un accident, se retrouve seul sur une île durant quatre années consécutives. Pour faire face à sa solitude, il va se créer un partenaire de conversation fictif, Wilson, en utilisant un ballon de volley-ball sur lequel il dessine un visage humain. Notre cher Chuck avait effectivement besoin d’un vis-à-vis pour communiquer et entretenir une relation interpersonnelle afin de ne pas complétement sombrer dans la folie.

Comment se fait-il que l’être humain soit si attaché à entretenir une relation personnelle avec son semblable de sorte que la situation de ceux qui se retirent dans la solitude la plus totale relève plutôt du sacrifice aux fins les plus improbables qu’une chose saine ?

Ceci est une conséquence liée à notre nature même, et pour être encore plus précis, à l’image ontologique que chacun de nous porte dès sa conception. Nous avons été effectivement créés à l’image de Dieu, et cette imago Dei est lui-même ancré dans une réalité intra-trinitaire qui caractérise notre Créateur.

Cette réalité est celle de la personne et des caractéristiques qui en découlent dans sa pleine expression. En tant que Créateur, Dieu exprime parfaitement et de façon exhaustive ce qu’est une personne, un être personnel. De plus, étant un Dieu trine depuis toujours, nous voyons là que la notion même de relation est un ingrédient nécessaire et inséparable de la réalité de la personne.

Les notions de personne et de relation personnelle sont ancrées dans une réalité économique éternelle qui définit la trinité divine. (1) Il n’est alors pas étonnant que l’être humain, alors créé à l’image de Dieu, soit dès sa conception une personne qui ne pourra s’épanouir en tant que telle uniquement par le biais de relations personnelles qui prennent alors compte de la réalité du monde créé auquel il appartient. L’homme ne fait alors que pratiquer de cette façon une réalité propre à sa nature qui est analogue à une réalité exprimée depuis toute éternité en Dieu lui-même entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit.

 

Quel est le rapport avec la réalité du Travail en équipe ?

Le travail en équipe n’est pas une réalité a postériori qui serait, dans une vision évolutionniste du comportement sociétal, un fruit nécessaire pour notre réussite et notre propre survie en milieu hostile. Il est une expression organisée (relations) et dirigée (but) de cette imago Dei qui est constitutif de notre humanité (être personnel créé).

Cette expression particulière est alors un écho, une analogie, d’une réalité éternelle pleinement vécue entre le Père, le Fils et le Saint-Esprit. C’est d’ailleurs pour cette raison que cette expression (travail en équipe) ne pourra alors être vraie et droite que si elle se fait en accord, à la fois, avec la sainteté qui caractérise éternellement les relations au sein de la Trinité (dimension éthique horizontale), et avec la réalité de notre identité (hommes et des femmes créés par Dieu pour sa Gloire (Rom 1.18), dimension téléologique verticale).

En effet, lorsque l’idolâtrie, quelle qu’en soit la forme (comme par exemple l’égoïsme), et non l’adoration envers Dieu, caractérise nos relations interpersonnelles (et en particulier dans le travail d’équipe), cet écho devient une simple falsification de la réalité voulue par Dieu, alors caractérisé par le mensonge et la souffrance (Rom 1.18-25).

De plus, en saisissant que la notion du travail en équipe est un écho (imago Dei) de la réalité trinitaire du Dieu qui nous a créés et que nous servons, nous comprenons alors que la pluralité qui caractérise le travail en équipe n’implique pas une inégalité ontologique entre les personnes impliquées (différentes tâches mais une égalité en nature entre les personnes), et inversement, une égalité ontologique (entre les membres de l’équipe) n’impose pas une uniformité économique, mais au contraire une diversité complémentaire de tâches au sein d’un objectif commun.

Enfin, au niveau épistémologique, puisque le travail en équipe est une application particulière et nécessaire du caractère personnel de chaque être humain crée à l’image de Dieu, il s’en suit que la Bible, la Parole de Dieu, devient la norme (norma normans non normata) pour dresser le cadre de ce qu’est un bon travail en équipe, autant dans sa dimension éthique que téléologique.

En effet, l’enseignement biblique est alors notre source première pour que nous saisissions autant le quoi que le pourquoi du travail en équipe (définition et but), mais aussi le cadre éthique de celui-ci qui alors en découle. C’est ce vers quoi nous nous tournons maintenant.

 

 

 

Principes fondamentaux bibliques du travail en équipe

 

 

1) La création et le couple primordial

Il est indéniable que si nous désirons comprendre les fondements bibliques du travail en équipe, il est important de voir comment la Bible définit et décrit la première équipe que la terre ait connue : Adam et Eve.

Comme nous l’avons précédemment dit, la caractéristique ontologique d’avoir été créé à l’image de Dieu engendre des réalités économiques fondamentales.

Tout d’abord, il est important de noter qu’Eve fut créée après Adam, car il n’y avait pas, au sein de la création animale, d’aide semblable à lui. (2) Le texte biblique souligne clairement que ceci n’était pas un oubli divin au sein de la création. En effet, la création de la femme était déjà prévue car Dieu avait déjà souligné, dès le verset 18, que le fait que l’homme soit seul n’était pas une bonne chose, et que la réponse face à cette solitude ne pouvait se trouver dans les relations qu’entretiendraient Adam avec la création, en tant que vice-régent au service de son Créateur. Il lui fallait créer une aide semblable à lui.

Dieu ne nous livre pas dans ce verset 18 un aveu d’échec quant à la création de l’homme, un homme alors « masculin ». Cette « réflexion divine » peut-être mise en parallèle avec une autre « réflexion divine » de Dieu lorsqu’il dit « faisons l’homme à notre image ».

Dieu nous livre là son bon projet créationnel : L’être humain, homme et femme, sont des êtres créés à l’image de Dieu (ce qui implique des conséquences morales, personnelles, sacerdotales et de vice régence sur la création) ; et l’homme et la femme s’insèrent tous deux dans une dynamique de complémentarité de sorte qu’ensemble ils vivent une saine complémentarité alors expression de l’œuvre parfaite divine.

Genèse 2:18 est fondamental pour comprendre à la fois l’égalité et l’inégalité entre l’homme et la femme.

Ce paradoxe est cohérent du fait que chacune de ces deux caractéristiques s’établit à un niveau différent. La femme est égale à l’homme en tant qu’être humain, elle possède la même valeur et même dignité que l’homme et « elle est autant ‘équipée’ que l’homme, avec tous les distinctifs requis, pour atteindre sagesse, justice et vie.» (3)

Ensuite, le verset 18b souligne que la femme a été créée dans un objectif particulier : « être une aide » (עֵ֖זֶר).

Dans le contexte de la Genèse et de l’Ancien Testament, ce terme est à l’opposé d’une signification contemporaine telle que « esclave », « servante », ou tout autre terme qui pourrait impliquer une diminution de la dignité de la personne. En effet, nous ne devons pas oublier que Dieu lui-même est décrit comme עֵ֖זֶר dans sa relation avec Israël. Hamilton souligne d’ailleurs que la femme est celle qui « a délivré l’homme de sa solitude. » (4)

Mais l’usage de ce terme, dans le contexte direct de Genèse 1 possède une particularité supplémentaire (contrairement à la relation Yhwh/Israël car Dieu possède une nature différente que l’homme) : elle est une aide pour l’homme.

Ortlund (5) souligne justement :

Le paradoxe de Genèse 2 est aussi vu dans le fait que la femme a été « tirée de » l’homme (égalité) et créée « pour » l’homme (inégalité). Dieu n’a pas fait Adam et Eve à partir du sol en même temps et l’un pour l’autre sans distinction. Dieu n’a pas non plus créé la femme en premier, ni l’homme à partir de la femme « pour » la femme. Il aurait pu les créer tout autant de cette manière sans aucune difficulté, mais il ne l’a pas fait. Pourquoi ? Parce que cela aurait très certainement obscurci la nature même de ce qu’est la masculinité et la féminité et cette manière de procéder permet de nous éclairer quant à cette problématique.

La Genèse établit ainsi clairement une notion d’égalité et d’inégalité entre l’homme et la femme : une notion d’égalité quant à « leur nature commune », et une notion d’inégalité quant à leur « fonction ». Ceci est confirmé au verset 23, où Adam reconnait sa femme comme égale à lui (« os de mes os, et chair de ma chair », le fait de la nommer « femme » (אִשָּׁה) qui est le féminin du vocable homme (אִישׁ)), et instaure une relation inégale/complémentaire avec elle (c’est lui qui la nomme, et qui lui enseigne les instructions qu’il avait reçu de Dieu (Gen 2.15-17).

 

Quand nous revenons à notre problématique de base (travail en équipe), nous pouvons alors souligner les choses suivantes en considérant le couple primordial :

  • La diversité et la complémentarité des tâches est fondée sur une égalité ontologique. Ce n’est pas seulement que l’un et l’autre soient deux réalités associées, mais bien plus, la dynamique ontologique interpersonnelle est une résultante possible et exclusive d’une réalité créationnelle : la création d’un autre être humain (caractéristique imago Dei commune) est la cause matérielle principale de l’expression possible d’une complémentarité. Les caractéristiques de cette complémentarité sont alors l’expression de la sagesse de Dieu et non une nécessité résultant d’un acte créationnel caduque.
  • La complémentarité au sein d’une équipe est la conséquence d’une intention divine pour ultimement manifester la bonté et la Gloire de Dieu (cause finale) au sein de la création.
  • Le travail complémentaire au sein d’une équipe doit être compris, non seulement vis-à-vis de son but ultime, mais aussi du par rapport au cadre allianciel dans lequel il s’insère (Alliance créationnelle dans le cadre du couple primordial) et des instructions alliancielles qui lui sont adjointes et qui la norment (commandement vis-à-vis de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (2.16) et mandat créationnel donné à Adam dans la cadre du couple primordial (1.28, 2.15)).
  • Enfin, le travail complémentaire au sein d’une équipe doit être aussi compris dans sa perspective eschatologique. La droite articulation des relations au sein de l’équipe anticipe une continuité de celle-ci dans la réalité consommée de la Création. Le travail d’équipe n’est pas une conséquence de la chute (comme nous l’avons vu pour Adam et Eve), mais c’est une réalité qui se pérennisera dans le Royaume de Christ alors consommé. Cette manifestation eschatologique possédera certainement une certaine continuité, mais aussi une certaine discontinuité, tout comme c’est actuellement le cas pour le corps glorifié de Jésus-Christ.

 

 

Rendez-vous ici pour la suite de cet article !

 

 

 

 

Notes et références

 

(1) Ceci étant dit, il est vrai que notre compréhension humaine de ce qu’est une personne et l’aspect relationnel qui y est attaché ne sera qu’une compréhension limitée et analogique (mais néanmoins vraie) de la réalité divine qui transcende notre intellect.

(2) עֵ֖זֶר כְּנֶגְדֹּֽו  (Gen 2.20b)

(3) R. Ortlund, Recovering Biblical Manhood and Woomanhood, p.102.

(4) Hamilton, Genesis, NICOT, p.176.

(5) Ibid, p.102.

 

 

 

 

 

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