Comprendre l’Apocalypse… oui, mais comment ?
Le livre de l’Apocalypse est probablement l’un de ceux dont l’interprétation divise le plus les chrétiens. L’Eglise n’est jamais réellement parvenue à un consensus sur l’approche du dernier livre du Nouveau Testament.
Cependant, l’Apocalypse passionne les amoureux du texte biblique. Pourquoi ? Très probablement parce qu’il s’agit d’un “terrain d’entrainement herméneutique par excellence“, comme le rappellent Don Carson et Douglas Moo dans leur Introduction au Nouveau Testament.
Cet article a pour but de présenter les principaux schémas interprétatifs de l’Apocalypse, et sert en quelque sorte d’introduction aux prochains billets qui porteront sur le thème de l’eschatologie. Tous les détails n’y sont pas traités, il s’agit essentiellement d’un survol général des principales positions interprétatives historiques.
1- Pricipales méthodes d’interprétation
On peut classer la majorité des interprétations de l’Apocalypse en quatre grandes catégories:
– L’approche idéaliste : selon cette approche, l’Apocalypse décrit de manière symbolique la lutte continuelle entre le bien et le mal, l’église et le paganisme, et le triomphe final du christianisme.
Les exégètes qui soutiennent cette vue rejettent généralement toute identification des symboles avec des éléments réels.
– L’approche prétériste : l’Apocalypse décrit des événements se produisant au temps même de la rédaction du livre. Selon cette approche, les visions de Jean décrivent des évènements qui lui sont contemporains.
Son but est d’exhorter ses lecteurs immédiat à la fidélité dans l’attente de la manifestation de Dieu et de son royaume.
– L’approche historique : dans cette approche, l’Apocalypse décrit les évènements historiques du temps de Christ jusqu’au temps présent. En d’autres termes, le livre de l’Apocalypse serait une esquisse symbolique de l’histoire. Cette position était particulièrement prisée au Moyen-Age, mais également par les Réformateurs : ces derniers y voyaient les descriptions de la corruption de progressive de l’Eglise, et identifiaient la bête avec la papauté.
– L’approche futuriste : l’Apocalypse décrirait essentiellement des évènements futurs. Dans sa version la plus radicale, l’ensemble des évènements du livre après le chapitre 4 trouve son accomplissement dans les tout derniers temps de l’histoire de l’humanité. Mais la plupart des exégètes qui tiennent une telle position sont plus modérés et considèrent que certains évènements de ces chapitres (souvent les premiers), se produisent avant la fin de l’histoire de l’humanité.
La plupart des spécialistes reconnaissent aujourd’hui des éléments pertinents dans chacune de ces approches, tout en s’appuyant davantage sur l’une ou sur l’autre.
Le tableau ci-dessous montre comment ces quatre approches comprennent généralement les grandes sections du livre de l’Apocalypse.
2- Principales vues sur la relation entre le retour de Christ et le millenium
– Prémillénarisme : Christ revient avant le millenium. Les tenants du prémillénarisme envisagent le millenium littéralement : il s’agit d’une période historique de 1000 années pendant laquelle Christ règnera sur la terre .
Les prémillénaristes voient la tribulation décrite dans l’Apocalypse comme une période de 7 ans située dans le futur. Ils sont cependant divisés sur sa relation avec le retour de Christ et le millenium (voir plus bas).
Dans leur écrasante majorité, les prémilllénaristes adoptent une vision pessimiste des temps de la fin, marqués par un accroissement du mal et de la souffrance de l’Eglise.
– Postmillénarisme : Christ revient après le millenium. Certains envisagent le millenium comme une période littérale de 1000 ans, tandis que d’autres y voient une figure de la période Néo-Testamentaire (ce qui s’apparente plutôt, de notre point de vue, à une forme d’amillénarisme). Dans les deux cas, le millenium est incorporé à la période de l’église (cf. le schéma ci-dessous, qui représenterait plutôt la première option).
Selon la position postmillénariste, les forces de Satan seront progressivement battues à mesure que le Royaume de Dieu s’accroîtra par l’église à travers l’histoire, et ce jusqu’à la seconde venue du Christ.
Le postémillénarisme implique donc une vision optimiste de l’eschatologie : la société s’améliorera à mesure que la fin des temps approchera.
Les postmillénaristes qui font une lecture prétériste de l’Apocalypse pensent que la tribulation a déjà eu lieu. Ceux qui en font une lecture historique de l’Apocalypse pensent que l’église subit la tribulation tout au long de son histoire.
– Amillénarisme : le millenium est symbolique. Les amillénaristes envisagent le millenium dans une perspective purement spirituelle. Christ revient à la fin de l’Histoire pour juger le monde et régner physiquement pour l’éternité.
Comme dans le cas du postémillénarisme ceux qui font une lecture prétériste de l’Apocalypse pensent que la tribulation a déjà eu lieu. De même, ceux qui en font une lecture historique ont tendance à voir cette tribulation s’étaler tout au long de l’histoire de l’église.
La position amillénariste s’accompagne généralement d’un vision plutôt pessimiste de la fin des temps.
Voici comment ces trois approches comprennent généralement les grandes sections de l’Apocalypse :
3- Principales vues sur la relation entre le retour de Christ et la tribulation (prémillénarisme)
A partir de Daniel 9:24-27, les prémillénaristes déduisent que la tribulation mentionnée dans l’Apocalypse durera 7 ans (voir cet article pour comprendre leur raisonnement exégétique).
Ils sont cependant en désaccord sur la place qu’aura l’Eglise pendant cette période : rejoindra t-elle Christ avant, pendant ou après la tribulation ?
Voici les trois grandes hypothèses proposées par les prémillénaristes :
– Post-tribulationisme : les croyants seront enlevés dans les airs après la tribulation de 7 ans, au moment même du retour de Christ. Selon cette approche, l’église devra souffrir intégralement la colère de Dieu sensée se déchainer durant cette période.
– Pré-tribulationisme : selon cette hypothèse, les croyants seront enlevés dans les airs avant la tribulation de 7 ans, ce qui implique qu’ils n’auront pas à la souffrir.
La plupart de ceux qui adhèrent à cette approche tiennent également en haute estime le dispensationalisme, cette position selon laquelle Dieu se révèle progressivement aux hommes au travers de 7 dispensations historiques (cf. Charles Ryrie, Dispensationalisme Hier et Aujourd’hui).
Les dispensationalistes croient à un enlèvement secret préalable aux 7 ans de tribulation, ce qui implique que, selon eux, la parousie du Seigneur se fera en deux temps.
– Mid-Tribulationisme : dans cette approche, l’église passe pendant 3 ans et demi par la première période de la tribulation. Les croyants sont cependant enlevés dans les airs avant que la deuxième partie, identifiée avec la Grande Tribulation (Ap. 2:22, 7:14), ne commence.
Là encore, cette position implique une parousie du Seigneur en deux temps.
Au début des années 1990, Marvin Rosenthal, dans son livre The Pre-wrath Rapture of the Church, a proposé un quatrième approche baptisée Pré-Colère.
Selon lui, l’enlèvement de l’église aura lieu durant la deuxième partie de la tribulation de 7 ans (la Grande Tribulation), mais avant que Dieu ne déchaine réellement sa colère sur le monde.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une approche purement mid-trib, elle en est tellement proche qu’on peut les classer ensemble.
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Pour aller plus loin
Encore une fois, on ne peut que recommander le petit fascicule de Frédéric Bühler, Retour de Christ et Millenium. Les éditions Excelsis en ont encore un petit stock. Ce petit livret, pas cher, constitue un bon survol, indiquant les défenseurs les plus célèbres ainsi que les forces et faiblesses de chaque position.
Il n’y a malheureusement pas beaucoup de commentaires de qualité en Français sur l’Apocalypse, et ceux qui existent ont rarement une section introductive détaillée.
En voici quelques uns :
– Approche prémillénariste-futuriste : John Alexander, L’Apocalypse verset par verset ; John Mac Arthur, Apocalypse (2 tomes) ; Charles Ryrie, Dispensationalisme Hier et Aujourd’hui ; René Pache, Le Retour de Christ.
– Approche prétériste-historique-amillénariste : William Hendriksen, Plus que Vainqueurs ; William J. Grier, Le Grand Dénouement ; Gordon Campbell, L’Apocalypse de Jean, une Lecture Thématique ; Augustin, La Cité de Dieu.
– Sauf erreur, il n’existe pas d’ouvrage en Français défendant une thèse strictement postmillénariste, bien que certains aient tendance à voir Augustin dans cette catégorie.
GB