Pouvons-nous utiliser des mots qui ne se trouvent pas dans la Bible pour faire de la théologie chrétienne ?

 

Devrions-nous employer des termes théologiques pour décrire les vérités que la Bible enseigne ? Je précise ma question : est-il légitime d’utiliser des mots que la Bible n’utilise pas pour enseigner des vérités bibliques (par ex.: la Trinité) ? Dans sa Gereformeerde Dogmatiek, Herman Bavinck répond positivement et souligne la nécessité d’un tel procédé. Attention : quand Bavinck fustige la « théologie biblique » dans les lignes ci-dessous, il ne fait pas référence à l’approche évangélique de cette discipline mais à un mouvement particulier tendant à rejeter toute approche dogmatique.

« L’Eglise a clairement perçu que le christianisme repose sur le fondement et le principe de la doctrine de la trinité ontologique, et que l’essence du christianisme, savoir l’autorévélation absolue de Dieu dans la personne de Christ et son auto-communication absolue par le Saint-Esprit, ne peuvent être maintenues que sur ce fondement. Aussitôt que les données de l’Ecriture sont devenues l’objet d’une réflexion théologique, il est devenu nécessaire d’utiliser diverses expressions qu’on ne rencontre pas dans l’Ecriture mais qui, néanmoins, sont indispensables pour répondre au double objectif qui consiste (i) à exprimer, bien qu’imparfaitement, la vérité trinitaire et (ii) à la défendre contre une présentation erronée et contre l’erreur.

Il est vrai que cette utilisation de termes qu’on ne trouve pas dans l’Ecriture a été condamnée par les Ariens et par les défenseurs de diverses autres tendances religieuses. Citons par exemple les sociniens, les anabaptistes, les arminiens, ainsi que certains représentants de la « théologie biblique ». Néanmoins, la théologie chrétienne a toujours défendu cette utilisation comme étant appropriée et bénéfique. Et cette position est entièrement justifiée. L’Ecriture, en effet, ne nous a pas été donnée pour que nous nous bornions à la répéter mot pour mot à la manière d’un perroquet, mais pour que nous la digérions au moyen de notre intelligence et que nous l’exprimions avec nos propres mots.  Tel est l’usage de Jésus et des apôtres : ils ne se se contentaient pas de citer exactement l’Ecriture au mot près, mais ils ont suivi un processus de raisonnement à l’issue duquel ils ont formulé des déductions et des conclusions fondées sur ces nouveaux mots.

La Bible n’est ni un texte de loi ni un texte de dogmatique, mais elle est la source de la théologie. Elle est la Parole de Dieu. Par conséquent, les mots qu’elle contient sont exacts et possèdent une autorité contraignante, de même de toutes les conclusions qu’on en tire de façon correcte. De surcroît, aucune étude de l’Ecriture ni aucune activité théologique ne sont possible sans faire appel à des termes que l’on ne rencontre pas dans la Bible. De tels termes sont donc utilisés en rapport avec la doctrine de la trinité, mais ils le sont également avec n’importe quelle autre affirmation théologique. […] Ils ne sont pas employés dans le but d’énoncer de nouveaux dogmes qui seraient étrangers, voire contraires à l’Ecriture. En fait, c’est précisément le résultat opposé qu’ils cherchent à atteindre : l’objectif est de défendre la vérité scripturaire contre toute forme d’erreur. Ces termes, par conséquent ont davantage une fonction négative que positive.

Ils indiquent la frontière au-delà de laquelle on ne saurait se risquer à moins de sacrifier la vérité révélée. Tout en prétendant adhérer étroitement à l’Ecriture, la “théologie biblique” est partie à la dérive, en s’éloignant toujours plus de la Bible, tandis que la formulation orthodoxe, ecclésiastique, de la doctrine – qui emploie des termes qu’on ne trouve pas dans la Bible – a pu revendiquer à juste titre son caractère scripturaire. »

 

 

Extrait de la Gereformeerde Dogmatiek de Herman Bavinck’s (1854-1821), originellement publiée en 1895-1899 (les deux premières éditions qui suivront étant de 1911 et 1918). En 1951, William Hendriksen a publié une traduction en anglaise de la partie de cet ouvrage intitulée The Doctrine of God (Eerdmans), reposant sur l’édition de 1918. Le présent extrait est tiré des pages 293-294 d’une réimpression par l’éditeur Banner of Truth Trust de la traduction de Hendriksen (Banner of Truth Trust, 1979, première publication en 1977). Traduction en français : Hervé Mousset

Pour une biographie exhaustive de H. Bavinck, lisez cet article de James Eglinton dans La revue réformée.

 

 

 

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