Les (autres) points culminants du ministère de Jésus

 

Voici la suite de mon article sur le motif des montagnes dans les évangiles débuté sur LBC le mardi 11 octobre 2022 (première partie à retrouver ici).

 

 

Transfiguré et crucifié

Six jours après avoir été reconnu comme Fils de Dieu par Pierre (Mt 16.16), Jésus a pris avec lui trois disciples – Pierre, Jean, et son frère Jacques – et il est monté avec eux sur une haute montagne (Mt 17.1). Là, il a été transfiguré devant eux. Son visage est devenu comme le soleil, et ses vêtements blancs comme la lumière. C’est alors que Moïse et Elie sont apparus, chacun d’un côté du Christ. Soudain, une nuée lumineuse les a tous recouvert. Une voix s’est fait entendre de la nuée, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ». Face à cette manifestation, les disciples sont tombés face contre terre, saisis d’une grande peur. Pierre a alors proposé de construire trois tentes, mais Jésus leur a aussitôt donné l’ordre de se lever et de descendre avec lui de la montagne.

Cependant, si le mont de la Transfiguration représente l’épisode le plus glorieux de la vie terrestre de Jésus, le mont Golgotha correspond, lui, à sa plus grande humiliation (Mt 27.33). En effet, quelques heures avant sa crucifixion, Jésus est pris par des soldats romains qui le couronnent d’épines et tombent face contre terre devant lui afin de l’humilier (Mt 27.29). Pierre et Jean sont encore là, mais ils se tiennent à l’écart. Pierre va même jusqu’à renier son maître. Si Christ a été transfiguré devant ses disciples, il est maintenant jugé devant Pilate et moqué devant les soldats. Son vêtement n’est plus d’un blanc lumineux, mais il traine par terre où les soldats se le partagent. Elie et Moïse sont remplacés de chaque côté du Christ par deux brigands. Certains Juifs présents aux pieds de la croix se moquent même de lui, pensant qu’il appelle Elie au secours. Ils ironisent en rappelant à Jésus qu’il a dit qu’il reconstruirait le temple en trois jours alors qu’il n’est pas capable de se délivrer lui-même. La voix qui retentit du Calvaire n’est plus celle provenant de la nuée, mais c’est la voix du crucifié. À partir de la sixième heure du jour, les ténèbres remplacent la lumière, et Jésus meurt trois heures plus tard. Tout comme il avait ordonné à ses disciples de se lever, c’est maintenant les morts qui se lèvent dans Jérusalem. Ce ne sont pas les apôtres, absents, qui sont ici saisis d’une grande peur, mais un soldat romain. Ce dernier reconnaît publiquement ce que la voix a déclaré dans la nuée : « Il est véritablement le Fils de Dieu » (Mt 27.54). Puis Jésus ne descend pas de la montagne, mais il est descendu de sa croix.

 

 

Annonce et acceptation de la condamnation

La semaine de la crucifixion, appelée Passion, débute avec l’arrivée de Jésus près du mont des Oliviers (Mt 21.1). Ce mont va jouer un rôle important lors des derniers jours du Christ. En effet, le mardi saint, trois jours avant sa mort et alors qu’il sort du temple, Jésus prononce un discours sur le mont des Oliviers (Mt 24.3). Ce sermon est habituellement dit « eschatologique », car l’enseignement de Jésus a pour thème principal des évènements qui ne se sont pas encore produits[1]. Les apôtres ont demandé à leur maître quels seront les signes qui annonceront son retour. Jésus leur répond alors en leur disant que de nombreux faux-prophètes vont surgir et que beaucoup chuteront. Ces jours seront terribles, à tel point que s’ils n’étaient pas abrégés, aucune chair ne serait sauvée. Selon Jésus, il faut que les disciples prient que ces malheurs n’arrivent pas un jour de sabbat. De plus, il ajoute que les étoiles tomberont du ciel et qu’ils seront livrés aux tribunaux. Il faudra également que des guerres arrivent. Alors, les disciples sauront que la venue du Fils de l’Homme est proche. Cependant, personne ne connaît l’heure exacte de cette venue, si ce n’est le Père. C’est pourquoi, les disciples sont exhortés à veiller. Jésus va même jusqu’à dire qu’ils sont « heureux » ceux qui seront trouvés ce jour-là en train de faire ce qu’ils doivent faire (Mt 24.46). Christ explicite cela en leur donnant comme exemple la parabole des jeunes vierges endormies durant la nuit (Mt 25.5) et celle du berger qui sépare les boucs des brebis (Mt 25.32).

Deux jours plus tard, Jésus est en train de partager son dernier repas avec les apôtres et institue la cène (Mt 26.26-29). Suite à cela, ils décident de sortir de la chambre haute pour aller sur le mont des Oliviers (Mt 26.30). Jésus annonce aux onze que cette nuit, il sera pour eux une occasion de chute. Lui, le berger des brebis, va être frappé et elles vont être dispersées (Mt 26.31). En effet, il va être mis à mort, mais il promet aussi qu’il va ressusciter. Cependant, Pierre refuse d’entendre cela et il dit au Christ qu’il va rester avec lui, même s’il faut qu’il en meure. Alors, Jésus se dirige vers le jardin de Gethsémané, au pied du mont des Oliviers, en compagnie de Pierre, Jacques, et Jean. Là, Jésus va prier, seul. Lorsqu’il revient vers ses disciples, ces derniers se sont endormis, ils n’ont pas réussi à veiller avec lui. Jésus retourne ensuite par deux fois prier son Père, tombant face contre terre. Et à chaque fois que Christ retourne voir ses trois apôtres, il les trouve endormis. C’est alors qu’il les reprend en leur reprochant de ne pas avoir même pu veiller une heure. Il les mets en garde contre la chair qui est faible. Matthieu nous précise alors que Judas, l’apôtre qui va livrer Jésus, est proche. Et c’est par un signe – qui sera un baiser amical – que Judas va désigner celui que les Romains et les gardes du temple devront arrêter.

Le mardi, Jésus a annoncé la condamnation de Jérusalem et celle du monde qui préfère suivre les faux-messies. Il a encouragé ses disciples à veiller et à rester actifs jusqu’au moment de son retour. Pourtant, deux jours plus tard, Jésus accepte de boire la coupe de la condamnation. Autrement, personne, pas même les apôtres, n’aurait pu réchapper de ce jugement annoncé. Mais ces derniers n’ont pas veillé. Ils se sont endormis dans la nuit et ont laissé leurs mains au repos au lieu de prier activement avec le Christ. Ces deux textes, mis en parallèle, nous rappellent la grâce que Christ nous a faite en acceptant notre condamnation, pourvu que nous l’acceptions comme Messie. Mais ils nous mettent aussi en garde face à notre froideur spirituelle. Ils nous encouragent à veiller et à faire la volonté du Père jusqu’au jour de la seconde venue du Christ ressuscité avec ses saints anges.

 

 

Conclusion sur la montagne

Cette lecture en chiasme nous montre la cohérence du plan de Dieu et de sa révélation. Elle donne une nouvelle profondeur à notre compréhension de ces textes, et elle met en avant le fait que les points culminants du ministère de Jésus se sont déroulés sur des montagnes. Cette lecture fait également ressortir l’importance du mont des Olivers dans la vie de Jésus. Même si Golgotha garde bien sûr un rôle majeur dans l’histoire biblique en tant que lieu de la crucifixion, nous ne pouvons pas mettre de côté la place capitale que tient le mont des Oliviers dans l’œuvre du Christ. En effet, alors que ce mont est déjà mentionné dans l’Ancien Testament comme celui de la victoire de Dieu (Za 14), il revêt aussi une grande importance dans le déroulement des évangiles – Luc 19.29 à 22.53 se passe sur ou à proximité du mont des Oliviers –, et c’est finalement depuis ce lieu que s’effectue l’Ascension (Ac 1).

Ainsi, « l’Évangile des montagnes » – comme nous pourrions l’appeler –, est préfiguré dans l’Ancien Testament, réalisé dans le Nouveau Testament, et nous sommes aujourd’hui, en tant que disciples, chargés de l’annoncer au monde entier – tout comme Jésus l’a demandé sur la montagne de Galilée (Mt 28.16-20). Car l’histoire ne s’arrête pas là, avec un Christ glorifié qui trône sur le mont Sion d’une manière spirituelle (Ap 14.1). En effet, la nouvelle création comporte aussi sa montagne sur laquelle la Jérusalem céleste viendra se poser (Ap 21.10, 22.1-2). Sur cette montagne se trouvera également le nouvel Éden. Ainsi, l’Agneau se tiendra une dernière fois sur la montagne, à côté du trône et au milieu de son Église glorifiée, pour l’éternité.

 

 

 

 

Notes et références :

[1] Qu’il s’agisse, suivant les interprétations, de la destruction de Jérusalem en l’an 70 par les Romains, de la seconde venue de Jésus, ou d’un mélange de ces deux interprétations qui ne sont pas nécessairement exclusives.

 

 

 

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.