Péché impardonnable et blasphème contre le Saint-Esprit

L’apôtre Jean dans sa première épître, formule certaines doctrines essentielles et apporte de nombreux encouragements à ses lecteurs.

Mais il aborde également des sujets qui ont fait couler beaucoup d’encre ! Le meilleur exemple est certainement celui du péché qui mène/ne mène pas à la mort” en 1 Jean 5:16 :

Si quelqu’un voit son frère commettre un péché qui ne mène point à la mort, qu’il prie, et Dieu donnera la vie à ce frère, il la donnera à ceux qui commettent un péché qui ne mène point à la mort. Il y a un péché qui mène à la mort; ce n’est pas pour ce péché-là que je dis de prier.
(1 Jean 5:16).

Qu’est-ce que cela signifie ?

Nos amis catholiques auront tendance à séparer les péchés en deux catégories fondamentales (au moins) : péché véniel, et péché mortel.

Comme l’affirme le catéchisme de l’Eglise Romaine :

On commet un péché véniel quand on n’observe pas dans une matière légère la mesure prescrite par la loi morale, ou bien quand on désobéit à la loi morale en matière grave, mais sans pleine connaissance ou sans entier consentement» (Article #1862)

ou encore

Le péché mortel … entraîne la perte de la charité et la privation de la grâce sanctifiante, c’est-à-dire de l’état de grâce. S’il n’est pas racheté par le repentir et le pardon de Dieu, il cause l’exclusion du Royaume du Christ et la mort éternelle de l’enfer” (Article #1861).

C’est ainsi qu’ils interprètent 1 Jean 5:16.

De même, certains utilisent ce même verset pour justifier une possible perte du Salut de Jésus-Christ… Ainsi, l’enjeu est d’importance, car, indirectement, cela est lié à l’oeuvre rédemptrice de Christ à la croix!

C’est pourquoi, le commentateur John Stott nous sera d’une grande aide. Il a en effet décrit les trois différentes interprétations de ce passage, et nous délivre une conclusion percutante.

Je vous invite à les découvrir.

 

Première interprétation: un péché spécifique

Dans la loi mosaïque, certains péchés étaient considérés comme des offenses capitales, punissables de mort (cf. Lév 20:1-27, Nom 18:22, Rom 1:32).

L’Ancien Testament distingue également les péchés d’ignorance, commis involontairement et qui pouvaient être expiés par des sacrifices (Ps. 19:13), des péchés de présomption, commis volontairement et pour lesquels il n’y avait pas de pardon possible.

La même distinction était “commune parmi les différents écrivains rabbiniques”, selon Westcott, et plusieurs chrétiens des premiers siècles ont certainement accepté et transmis cette vision.

Par exemple, Clément d’Alexandrie et Origène acceptaient tous deux l’idée d’une délimitation entre péchés pardonnables et impardonnables. Ils n’en faisaient cependant pas une classification précise.
Tertullien allait plus loin encore, en listant certains “péchés capitaux” (comprenant le meurtre, l’adultère, l’idolâtrie et le blasphème) pour lesquels le pardon était inenvisageable, tandis que des péchés mineurs pouvaient l’être.

Toutefois, il n’existe pas de norme dans le Nouveau Testament pour une classification aussi arbitraire, et il est certain qu’il “serait anachronique d’essayer d’appliquer [une telle classification] ici” (Dodd).

En effet, bien que les traductions parlent de “péché qui mène à la mort”, il est douteux d’affirmer que Jean fasse référence à des péchés spécifiques plutôt qu’a la notion de péché en général (comme en 1 Jean 1:8), c’est à dire “un état ou une habitude de péché volontaire et persistant” (Plummer).

 

Deuxième interprétation: l’apostasie

La deuxième interprétation, adoptée par des commentateurs davantage contemporains (Brooke, Law, Dodd), implique que le “péché qui mène à la mort” n’est ni un péché spécifique, ni une “rétrogradation” du chrétien, mais une apostasie radicale : nier le Christ et renoncer à la foi.

Ceux qui soutiennent ce point de vue font souvent le lien avec des passages comme Héb. 6:4-6; 10:26; 12:16-17, et les appliquent en particulier aux faux docteurs (cf. 1 Jean 2:19).

Cependant, est-il possible qu’un chrétien né de nouveau apostasie ? Jean a certainement affirmé dans sa lettre que le véritable chrétien ne pouvait pas persister dans le péché (1 Jean 3:9), ni s’éloigner du Seigneur.

Il est d’ailleurs sur le point de le répéter: “Nous savons que quiconque est né de Dieu ne pèche point; mais celui qui est né de Dieu se garde lui-même, et le malin ne le touche pas” (5:18).

Comment celui qui “ne persévère pas dans le péché” pourrait-il commettre “le péché qui mène à la mort” ?

Plus encore, Jean a parlé d’avoir la vie (5:12) et de la connaître (5:13). Celui qui a reçu une vie qui est éternelle pourrait-il la perdre?

Jean n’est pas divisé dans sa théologie, et c’est bien ce qui exclut cette interprétation.

 

Troisième interprétation: le blasphème contre le Saint-Esprit

Ce péché, commis par des pharisiens, consiste en un rejet délibéré et conscient de la vérité connue.

Ils avaient en effet assimilé les oeuvres de Jésus -pourtant réalisées par l’Esprit de Dieu (Matt 12:28)- à celle du diable.

Et Jésus déclare qu’un tel péché ne sera jamais pardonné dans ce siècle, comme dans celui à venir. Celui qui le commet est “coupable d’un péché éternel” (Marc 3:29, Matt 12:22-32).

Il est conduit inexorablement dans un état moral incorrigible, parce qu’il a volontairement péché contre sa propre conscience.

Selon Jean, un tel pécheur a “préféré les ténèbres à la lumière” (Jean 3:18-21), et en conséquence, “mourra dans son péché” (Jean 8:24).

Son péché, “mène à la mort”. Le résultat est la ruine spirituelle, la “seconde mort” réservée à ceux dont le nom “n’est pas écrit dans le livre de vie” (Ap. 20:15; 21:8).

Certains objecteront peut-être que, si le “péché qui mène à la mort” était le blasphème contre le Saint-Esprit d’un non-croyant endurci, Jean ne saurait l’appeler “frère”.

Pour être exact, Jean ne le fait pas : c’est celui dont le péché “ne mène pas à la mort” qui est appelé frère. Pour celui dont le péché mène à la mort, il n’est ni nommé, ni décrit.

En outre, Jean utilise parfois le terme “frère” pour désigner un voisin, un comparse, ou quelqu’un qui lui est semblable, sans pour autant désigner un chrétien régénéré. L’exemple est évident en 1 Jean 2:9, 11 ou encore en 1 Jean 3:16-17.

Mais, supposons un instant que Jean regarde les deux personnages de 5:16 comme des “frères”. Qu’impliquerait une telle situation?

Même dans un tel cas, on peut affirmer avec certitude qu’aucun des deux n’est vu comme un enfant de Dieu, même celui dont le péché ne mène pas à la mort.

En effet, il y a un point crucial que, malheureusement, les commentateurs omettent généralement : la vie est donnée en réponse de la prière, dans les deux cas. En vérité, les deux sont donc morts et ont besoin de recevoir la vie.

Aucun des deux n’est un chrétien authentique. La vie, pour Jean, est synonyme de relation avec Dieu, de communion avec Dieu (1 Jean 1:5-6). Le chrétien est passé “de la mort à la vie” (1 Jean 3:14, Jean 5:24). Le jugement et la mort sont derrière lui; il “a la vie” (5:12).

Et même quand il est séduit par lé péché, ce qui peut arriver (1 Jean 2:1), il a un avocat auprès du Père (1 Jean 2:2) qui offre un plein pardon. Nulle part, Jean ne dit qu’un tel chrétien aurait besoin de “recevoir la vie”.

Quelle est donc la différence entre les deux protagonistes de 1 Jean 5:16?

Les deux sont “morts par leurs offenses” (Eph 2:1), mais l’un peut recevoir la vie grâce à l’intercession de chrétiens, tandis que le deuxième, d’ores et déjà spirituellement inerte, souffrira la mort éternelle.

Seul un cas d’une telle gravité permettrait à Jean de demander à ses lecteurs de ne pas prier pour…

 

Il reste une dernière question en suspens : et si en réalité Jean faisait allusion aux faux docteurs, en parlant du péché qui conduit à la mort?

De nombreux commentateurs se joignent à cette idée.
Mais il est aisé de répondre : pour Jean, les faux docteurs ne sont pas des apostats, mais des contrefaçons de chrétiens.

Ce ne sont pas des frères qui auraient un fois reçu la vie éternelle pour ensuite renoncer à la foi. Ce sont des “antichrists”, qui, en niant le Fils, n’ont pas le Père (1 Jean 2:22-23 ; 2 Jean 1:9), des enfants du diable, et non des enfants de Dieu (1 Jean 3:10).

Certes, ils ont été membres visibles d’une assemblée et se sont fait passer pour des “frères”. Comme le dit Jean : “ils sont sortis du milieu de nous, mais ils n’étaient pas des nôtres” (2:19).

En rejetant le Fils, ils ont rejeté la vie (5:12). Leur péché conduit bel et bien à la mort.

 

Que conclure?

Avec humilité, prière, et recherche persévérante, la Parole peut se dévoiler clairement, même dans le cas d’un passage aussi difficile que celui de 1 Jean 5:16.

Que cela nous encourage à nous délecter toujours davantage des Ecritures, et à les traiter avec rigueur et honneur.

 

 

 

TC

Adapté de John R. W. Stott, The Letters of John: An Introduction and Commentary, vol. 19, Tyndale New Testament Commentaries (Downers Grove, IL: InterVarsity Press, 1988).

 

 

 

 

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