Chercher le frère dans le Christ, et le Christ dans le frère

J’ai déjà écrit un article qui évoquait la notion de médiation du Christ. Si je reviens ici pour développer cette notion c’est parce que je suis convaincu qu’elle est primordiale pour deux raisons.

Premièrement, je reste persuadé que commencer à parler du Christ en termes de médiateur sera dans la plupart des cas moins étrange et plus compréhensible pour nos contemporains qui ne connaissent pas Jésus mais qui se représentent beaucoup mieux ce qu’est un médiateur qu’un Seigneur et Sauveur.

Deuxièmement, cette fonction médiatrice du Christ a des implications très fortes qui pourront nous aider toujours plus à grandir à son image (ce que nous verrons plus loin).

Mais avant de continuer, tentons de donner une définition du mot médiateur. Le médiateur, c’est celui qui généralement en cas de conflit va venir se mettre entre deux parties opposées pour calmer les tensions, empêcher les violences, faire en sorte qu’un dialogue sain puisse s’établir, et finalement amener à la réconciliation. C’est un peu le boulot ingrat de celui qui se prend les coups des deux côtés sans vraiment pouvoir riposter afin de rester neutre. Dans notre société actuelle assez violente, égoïste, tournée sur elle-même, où la plus grande recherche est généralement celle de son propre épanouissement personnel, le rôle de médiateur (qui est un métier à part entière) est de plus en plus important, et on le retrouve dans pratiquement tous les domaines : écoles, entreprises, travail social, relations conjugales, immobilier, finances, et même… l’église.

Christ a donc ce rôle de médiateur dans la Bible. Mais si le monde a besoin de différents médiateurs pour ses différentes activités, la Parole de Dieu nous affirme qu’en réalité Christ est le seul et unique médiateur de toute chose. L’apôtre Paul nous dit : « En effet, il y a un seul Dieu et il y a aussi un seul médiateur entre Dieu et les hommes : un homme, Jésus-Christ » (1Tm 2.5). Ce passage est intéressant, car nous allons le voir maintenant, même si une grande partie de sa médiation tient au fait que Jésus soit le Fils de Dieu, Dieu lui-même de toute éternité, une autre partie est également liée au fait qu’il soit devenu un homme par son incarnation (Jn 1.14). Cela veut donc dire que sans cette dernière, Christ n’aurait pas été l’intermédiaire parfait qu’il est aujourd’hui, et que donc cette notion de médiation fait réellement partie des décrets de Dieu puisque Jésus devait mourir pour nous de toute éternité (1P 1.19-20).

 

 

1- Médiateur de toutes choses 

Voyons plus dans le détail quelques exemples de la médiation de Jésus en commençant par les points traditionnels que l’on retrouve toujours en rapport avec ce principe. Il est déjà médiateur de la Création. Christ étant la Parole de Dieu (Jn 1.1), et Dieu ayant tout créé par sa Parole (Gn 1.3), l’apôtre Paul nous montre que tout a été créé par Christ et pour Christ (Col 1.15-16). Mais également que tout subsiste aujourd’hui à travers lui (Col 1.17 ; He 1.3). Si le monde tourne rond, si les lois naturelles et physiques se maintiennent, si la vie animale et végétale continue, si le chrétien et le non-chrétien peuvent respirer, tout cela est à cause du Christ, qu’on le veuille ou non. On voit donc également le lien qu’il y a entre la notion de médiation du Christ au sein de la Création et les notions de Providence et de grâce commune qui appliquent cet office même aux non-chrétiens dans un monde déchu.

Christ est ensuite médiateur de la Rédemption. C’est en effet pour venir mourir sur la croix afin de nous racheter de nos péchés que Christ s’est incarné (Rm 3.21-26). C’est donc par la grâce que moi ou que toi sommes sauvés. Christ nous a choisis individuellement pour le Salut (Rm 8.30 ; Tt 3.5). Mais il y a également une dimension collective à la Rédemption, car Christ n’est pas seulement venu racheter, réconcilier, purifier et restaurer des âmes individuelles, mais son Salut s’étend également au monde céleste et à l’univers dans son entier (Mt 19.28 ; Rm 8.19-23 ; Col 1.20 ; Ap 21.5).

Sa médiation entre également en compte dans la relation personnelle que nous pouvons avoir avec Dieu. En effet, quand nous étions pécheurs, nous étions séparés de Dieu. Pire, nous étions sous sa colère et sous sa condamnation (Ep 2.1-3). Mais grâce à Jésus le chemin de la communion avec le Père est retrouvé. Nul ne peut venir au Père que par Christ qui en est le chemin (Jn 14.6). De plus, il y a un autre mot qui est lié à celui de médiation, c’est celui d’intercession. Il intercède pour nous constamment auprès du Père (Rm 8.34 ; He 7.25), aujourd’hui et pour l’éternité. Et cette notion est forte, car le texte ne sous-entend pas qu’il se contente d’apporter au Père nos prières quand nous avons quelque chose à demander, mais c’est constamment qu’il plaide auprès de lui en notre faveur, même quand nous ne disons rien. Et ça c’est grandiose ! Quel amour le Christ a pour nous. Voilà ce que fait Jésus aujourd’hui.

Il est également médiateur d’une Nouvelle Alliance, meilleure que l’Ancienne qui n’était qu’une ombre, car fondée sur de meilleures promesses (He 8.6). Nous ne sommes plus sous la Loi de Moïse, mais nous sommes dans l’ère de la grâce. Dans l’Alliance où l’on entre par la foi : une foi qui est elle-même un cadeau de Dieu. Une Alliance Nouvelle où le Saint-Esprit nous fait naître d’en haut et nous remplit pour accomplir les œuvres que le Christ avait prévu pour nous d’avance afin de lui rendre gloire (Ep 2.8-10).

Médiateur de la Nouvelle Création, car celle-ci était déjà en germe dans l’acte de Création. C’est Christ qui établira cette Nouvelle Création au Jour de son Retour (2P 3.10-13). Sa médiation revêt donc un caractère « de la fin des temps » en liant Création et eschatologie, et le rend médiateur de notre espérance et de notre persévérance.

Il est également médiateur dans notre lecture de la Bible. En effet, c’est par son Esprit qu’elle a été inspirée (Jn 14.26, 15.26), et toute l’Ecriture lui rend témoignage (Lc 24.44-46). Lire la Bible de manière christocentrique et christotélique, c’est donc appliquer la médiation du Christ à notre lecture quotidienne.

Egalement médiateur de notre culture. Etant le Créateur de toute chose, « il n’y a pas un centimètre carré qui ne lui soit pas soumis » comme le disait Abraham Kuyper. Si Christ a racheté tout l’univers par son sacrifice substitutif, alors notre culture aussi a été rachetée, bien que ce ne soit pas encore visible dans beaucoup de domaines (tout comme ça l’est pour nous ou pour le monde). Cela est dû à cette tension eschatologique dont nous parlions plus haut.

Et comme le disait Dietrich Bonhoeffer dans son livre « Le Prix de la Grâce » : « Christ n’est pas seulement le médiateur entre Dieu et les hommes, mais il est aussi le médiateur entre les hommes et les hommes ». Cela veut dire que quand je regarde quelqu’un, je devrais le regarder avec les yeux de Christ. Et quand quelqu’un me regarde, c’est Christ qu’il devrait voir. Christ est donc médiateur de notre couple, de nos rapports entre collègue au travail ou entre camarades à l’école, et même médiateur de notre communion fraternelle au sein de l’Eglise.

 

 

2- Implications

Mais Dietrich Bonhoeffer qui est peut-être un des théologiens que je connaisse qui a mis le plus l’accent sur cette notion de Christ médiateur a également dit cette phrase qui m’a secoué et qui m’a fait beaucoup réfléchir, me poussant à écrire cet article. Il a dit : « Chercher le frère dans le Christ et le Christ dans le frère ». Une phrase tellement simple et courte, mais d’une telle profondeur, et avec beaucoup d’implications pratiques. Pour lui, même deux chrétiens ne peuvent pas avoir une relation directe sans passer par le Christ. Il y a donc ici deux temps, qui vont nous demander de nous arrêter et de réfléchir avant de faire ou de dire quoi que ce soit dans notre marche chrétienne.

Premièrement, « chercher le frère dans le Christ ». Autrement dit, qu’est-ce que Jésus dit sur le frère dans la Bible, qu’est-ce qu’il m’apprend sur lui ? Par exemple qu’il est comme moi créé à « l’image de Dieu », ce qui implique que nous sommes tous les deux égaux de nature. Mais il dit aussi que nous avons des dons différents. Il nous rappelle que depuis la Chute lui et moi sommes pécheurs, ce qui amènera nécessairement des tensions à un moment donné. Mais il m’apprend aussi que je dois lui pardonner. Jésus me montre que je dois apprendre à supporter aussi bien ses péchés que ses libertés car nous sommes tous les deux en cours de sanctification. Mais il me rappelle également que nous sommes unis par le même Esprit, que nous faisons partis du même corps au sein de l’Eglise, et que nous passerons l’éternité ensemble. Jésus me dit que j’ai besoin de lui comme lui de moi, et que nous devons nous aimer réciproquement. J’avoue que devant cela je me rends compte que mon regard sur mon frère n’est que rarement biblique en réalité.

Deuxièmement, « chercher le Christ dans le frère ». Quand je regarde mon frère, quels traits de son caractère, quelles paroles, quels gestes, quelles attitudes me rappellent Jésus tel qu’il nous est présenté dans la Bible ? Est-ce que sa générosité me rappelle celle de Jésus, est-ce que ses paroles d’encouragement me font penser à celles des évangiles ? Voilà une raison de me réjouir d’être avec ce frère. Mais inversement, si ses excès de colère ne me montrent pas Jésus, alors cela peut être une occasion pour moi de lui faire remarquer pour l’aider à se sanctifier sur ce point.

Mais ce qui est vraiment fort dans cette phrase de Bonhoeffer, c’est qu’en réalité nous pouvons remplacer le mot « frère » par n’importe quel mot : culture, travail, argent, amour, la vie, la connaissance, etc. Nous allons donc pouvoir par exemple « chercher la culture dans le Christ et le Christ dans la culture ». Autrement dit, qu’est-ce que le Christ enseigne sur la culture dans la Bible ? Et inversement, quels aspects de ma culture me rappellent le Jésus des évangiles ? Quels sont les traits chrétiens de ma culture et quels sont ceux qui ne le sont pas ?

Alors effectivement, Christ n’a pas dit tout sur tout dans les évangiles. Mais comme nous avons vu que toute la Bible est inspirée et centrée sur Christ, si nous nous posons une question dont Jésus n’a pas parlé directement, cherchons dans toute l’Ecriture quels principes bibliques s’y rapportent (d’où l’intérêt de l’analogie de la foi, de la théologie biblique, et de la systématique).

Nous pouvons donc voir que questionner le monde et notre vie avec ce mouvement de va-et-vient va nous permettre de pouvoir développer une vision biblique du monde, à vivre en accord plus profondément avec l’enseignement biblique, grandir en sagesse, apprendre à connaître mieux le monde qui nous entoure et le Christ, afin de devenir toujours plus conforme à son image, porter du fruit, et être prêt pour le jour de son Retour.

 

 

 

Conclusion

Pour finir, nous pouvons voir qu’il y a eu d’autres médiateurs dans la Bible, comme par exemple Abraham, Moïse, les rois, les prêtres, les prophètes, ou encore l’apôtre Paul. Mais tous étaient pécheurs, finis, imparfaits. Et par conséquent, leur médiation n’était qu’incomplète et provisoire. Mais la médiation du Christ change absolument tout, aussi bien dans notre vie que dans le monde. De plus, nous voyons également que si c’est Dieu le Père qui a permis cette médiation du Fils, nous pouvons voir que le Saint-Esprit intercède aussi dans nos prières (Rm 8.26).

Cette notion de médiation implique donc toute la Trinité. Elle contient également une dimension éthique importante en nous obligeant à réfléchir d’une manière biblique, en passant par Christ, en ce qui concerne par exemple l’argent ou la sexualité. La médiation christique amène donc un véritable bouleversement dans notre réalité, et a un impact pratique et concret qui doit produire des changements dans notre manière de voir le monde, dans nos valeurs, et finalement dans nos actes. La médiation du Christ a donc un lien avec notre sanctification. Si je n’avance pas dans cette dernière, peut-être que la première chose que je pourrais faire en terminant cet article serait de me chercher moi-même dans le Christ, et chercher le Christ en moi (2 Co 13.5).

 

 

 

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Renaud Genevois est pasteur à l’Église Perspectives de Colmar. Avant cela, il a été enseignant dans des écoles chrétiennes durant plusieurs années. Il a étudié à l’Institut Biblique de Genève et à l’Institut Supérieur Protestant à Guebwiller. Il prépare actuellement un master de théologie à la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence. Renaud est allé plusieurs fois en Afrique enseigner dans un institut biblique et former des enseignants chrétiens. Il écrit régulièrement pour le Bon Combat.