Apprendre le grec et l’hébreu : à quoi bon ?

UPDATE : je m’aperçois que Notre Eglise Point Com avait déjà traduit cet article (retrouvez le ici). Cette erreur de ma part vous donne deux fois plus de raisons de vous remettre aux langues !!! 

J’entends autour de moi beaucoup de jeunes et de moins jeunes qui parlent de se former théologiquement. Mais la plupart décident de faire l’impasse sur les langues bibliques, ou choisissent une institution où elles ne sont pas dispensées.

Nous ne disposons pas de statistiques, mais je ne serais pas étonné d’apprendre que moins de 20% des étudiants en théologie qui sortent des structures de formation francophones ne sont pas capables de déchiffrer un texte dans les langues originales. 

C’est donc à tous ceux qui aspirent à la charge excellente d’ancien/pasteur que je dédie cet excellent article de Michael J. Kruger. Merci à Dahlia Faltas pour la traduction et l’adaptation. 

**

 

 

Une nouvelle promotion d’étudiants de ma faculté de théologie (Reformed Theological Seminary, Charlotte) commencera bientôt le pénible exercice des cours de grecs et d’hébreux. Et, comme tous les étudiants en faculté de théologie avant eux, ils commenceront par se poser la question du bien fondé de l’étude de ces langues anciennes. Après tout, quelques années après l’obtention leur diplôme, tout sera oublié. Et au beau milieu de leur vie pastorale bien chargée, qui pourrait bien se soucier d’entretenir ces compétences linguistiques ?

Face à ces questions, nombreux sont ceux qui en viennent à penser que les langues sont une épreuve à subir. Elles sont une sorte de rituel d’initiation universitaire. Personne n’aime ça, mais vous devez passer par là si vous voulez être membre du club. Et ensuite ce sera terminé, et l’on pourra passer à autre chose.

Derrière cette approche des langues bibliques qu’on pourrait qualifier de “prends donc ton médicament”, un certain nombre de présupposés nécessitent d’être remis en question.

Premièrement, cette vision du ministère pastoral qui serait, en quelque sorte, incompatible avec les langues (en raison de la charge de travail, ou pour d’autres motifs) est une malheureuse incompréhension de ce qu’est le pastorat. Sans doute, les pasteurs doivent prendre soin de leur troupeau, faire grandir d’autres leaders, et focaliser leur attention sur l’Eglise. Mais le cœur de l’appel pastoral est d’être un ministre de la Parole.

Et si l’appel pastoral est d’être un ministre de la Parole, il y a donc une partie significative de la vie de pasteur qui doit être dévoué à une étude sérieuse du texte biblique – bien au-delà de la préparation du culte hebdomadaire. Autrement dit, les pasteurs doivent continuer à être des étudiants. Ils doivent être lecteurs, penseurs, et théologiens.

Malheureusement beaucoup de pasteurs modernes ne se voient pas de cette manière. Cela se confirme quand on regarde au terme utilisé pour décrire l’endroit où travaille le pasteur à l’église. Il fut un temps où l’on appelait ce lieu “l’étude pastorale” (parce que c’est ce qu’il y faisait !). Désormais, on l’appelle “le bureau du pasteur” (peut être parce que les pasteurs se voient de plus en plus comme des managers).

Une de mes plus grandes déceptions est lorsque j’entre dans le bureau d’un pasteur et que je n’y vois pas (ou très peu) de livres. C’est comme aller dans la boutique d’un menuisier et ne pas y voir d’outils. Lorsque je pense à de tels pasteurs, les mots de Cicéron me reviennent :

Une pièce sans livre est comme un corps sans âme.

Si les pasteurs s’attachaient à leur appel de ministres de la Parole, alors le fait de conserver leur bagage en langues bibliques serait une part naturelle de leur activité hebdomadaire.

 

Mais, il existe un second présupposé derrière cette approche “prends ton médicament”. Beaucoup d’étudiants pensent que l’étude des langues est inutile si certains éléments appris sont oubliés ensuite. Dans les faits, il s’agit certainement de la justification la plus courante.

Cette pensée est cependant profondément fausse. Même si un étudiant oublie chaque mot de vocabulaire et chaque forme verbale, son étude formelle et intensive des langues continue de jouer un rôle très significatif. En effet, cela va l’aider à penser textuellement.

Avant d’apprendre les langues, nous ne savons tout simplement pas comment penser d’un point de vue textuel, lorsqu’il s’agit d’étudier les Ecritures. Mais après avoir appris le grec ou l’hébreu (même si nous les oublions), nous comprenons comment la grammaire, la syntaxe, le déroulement logique, et la structure des phrases fonctionnent.

De plus, nous intégrons la façon dont les mots sont mis en relation les uns avec les autres, comment leur sens est (ou n’est pas) déterminé, l’importance du contexte, et nous apprenons à éviter certaines erreurs exégétiques.

Ces seuls éléments sont incroyablement importants pour aborder le texte et la préparation d’un sermon d’une bonne manière. Et ils forgent notre manière de penser lorsque nous apprenons les langues bibliques –même si nous oublions celles-ci plus tard.

 

Les étudiants et les pasteurs doivent donc être encouragés à persévérer. Il y a de sérieuses raisons de penser que vous pouvez conserver votre connaissance des langues anciennes, surtout si vous comprenez bien votre rôle et votre appel en tant que ministre de la Parole.

 

 

 

 

Abonnez-vous au Bon Combat

Recevez tous nos nouveaux articles directement sur votre boîte mail ! Garanti sans spam.

Guillaume Bourin est co-fondateur du blog Le Bon Combat et directeur des formations #Transmettre. Docteur en théologie (Ph.D., University of Aberdeen, 2021), il est l'auteur du livre Je répandrai sur vous une eau pure : perspectives bibliques sur la régénération baptismale (2018, Éditions Impact Academia) et a contribué à plusieurs ouvrages collectifs. Guillaume est marié à Elodie et est l'heureux papa de Jules et de Maël