8 raisons de rejeter l’interprétation allégorique de la Bible

L’interprétation allégorique repose sur le présupposé que chaque texte a un sens caché qui dépasse la signification première, littérale.

Ce sens caché serait le sens spirituel et véritable du texte. Il nous serait révèlé par Dieu, quand bien même il contredirait l’intention de l’auteur. Il est de ce fait subjectif.

On retrouve pourtant ce modèle d’interprétation dans tous les milieux : combien de théologiens de la prospérité ont déjà reçu des “révélations” de la part de Dieu sur des versets ? …révélations qui vont à l’encontre de la foi …?

 

 

 

Quelques exemples 

Savez-vous pourquoi l’Eglise s’est opposée pendant des siècles à la traduction de la Bible dans les langues vernaculaires ?

La raison est que sur la croix de Golgotha l’inscription : “Roi des juifs était faite en hébreu, latin et grec, langues considérées par les opposants aux traductions bibliques comme les seules inspirées. Le plus surprenant est que cette interprétation était diamétralement opposée à la volonté des romains qui voulaient que tout le monde puisse savoir qui était l’homme pendu au bois !

Le pape Grégoire le Grand interprétait le livre de Job comme ceci :

Les trois amis de Job représentent les hérétiques ; ses sept fils sont les douze apôtres ; ses sept mille brebis sont les membres fidèles du peuple de Dieu et ses trois mille chameaux sont les païens dépravés.”

Ne comprendrons que ceux qui peuvent comprendre… Ou pas !

 

J’ai entendu un jour une prédication dans laquelle les pierres que David avait choisies dans le torrent pour tuer Goliath étaient interprétées comme : « la puissance, l’espérance, la sainteté, la pureté et l’amour.” Mais… pourquoi ne pas avoir compris la patience, l’hospitalité, la bienveillance, la persévérance et la gloire ?

De la même manière, l’écharde dans la chair de Paul est considérée par certains comme étant un démon qu’il avait dans l’oeil, alors que Timothée aurait, lui, été animé du “démon de la timidité”…

 

En conclusion :

Connaître l’histoire de l’interprétation peut constituer un précieux atout et nous éviter de tomber dans les mêmes travers que nos prédécesseurs. (…) L’histoire de l’herméneutique est l’histoire de l’effort de l’homme pour communiquer avec Dieu. (1)

L’interprétation allégorique ne peut finalement se défendre que sur la base du fameux argument qui coupe toute controverse : “Dieu me l’a révélé : ceci veut dire cela”.

 

 

 

Imagination, et non interprétation

Au lieu de trouver la signification propre du texte, on a tendance à lui imposer notre imagination personnelle.

L’interprétation allégorique ne doit pas être confondue avec la figure de rhétorique qui porte le même nom (en effet, l’allégorie sert à illustrer une idée abstraite en la comparant à une histoire, ou une image).

S’il est clair que les auteurs inspirés écrivaient sous la direction du Saint Esprit, il n’est nulle part stipulé que l’interprétation de ces textes n’est possible que par révélation !

Comment faire si Dieu me dit personnellement quelque chose au moyen d’un texte, et qu’il dit l’inverse à une autre personne via le même texte ? Dieu aurait-il à la fois tort et raison ?

Certainement pas : en pareil cas, c’est nous qui nous fourvoyons.

 

 

 

L’argument clé de la méthode allégorique

Les tenants de l’interprétation allégorique utilisent Matt 13:10-17 afin de justifier leur exégèse. Un tel texte ne peut cependant pas soutenir cette position, et il y a pour cela deux raisons principales :

Premièrement, Jésus utilise ici le genre de la parabole, et non celui de l’allégorie. Il s’agit de deux figures de rhétorique différentes ayant des fonctions elles aussi différentes.

Deuxièmement, il faut relever l’intention de Christ lorsqu’il use de paraboles. En elle-même, la parabole est une illustration censée aider à la compréhension. Or c’est l’effet inverse qui se produit chez certains auditeurs du Seigneur… Les disciples n’interrogent pas Jésus parce qu’ils n’ont pas compris, mais parce qu’ils ne comprennent pas pourquoi il utilise là une parabole.

Jésus, dans son explication, annonce qu’il s’agit de l’accomplissement d’Esaïe 6:9-10.

Dans le contexte de ce passage cité, le prophète a pour mission de parler au peuple idolâtre, les avertissant que Dieu va désormais le rendre sourd et aveugle spirituellement, à l’image de leurs idoles.

Il s’agit d’un jugement de Dieu ou le peuple est puni par son propre péché : il va ressembler à ce qu’il adore… des statues sans vie.

Comme l’explique G. K. Beale :

“Le principe de théologie biblique exprimé par Esaïe 6 est le suivant : on ressemble à ce que l’on révère, pour sa propre ruine ou son relèvement. Esaïe voulait révérer le Seigneur et refléter sa sainteté, ce qui conduisit à son relèvement, tandis qu’Israël révérait ses idoles et reflétait leur surdité et leur aveuglement spirituels, ce qui conduisit à sa ruine.”

Le but de Jésus est donc double : illustrer ses propos pour éclairer ceux qui le cherchent et mettre en lumière l’aveuglement des endurcis en les livrant à leur incrédulité.

 

 

8 arguments contre l’interprétation allégorique

 

1- Elle prétend que ce qui est clair est en réalité obscur.

 

2-Elle va à l’encontre de la logique de la communication de la révélation:

Révéler c’est faire connaître ce qui est caché. Si Dieu veut se révéler, il ne va certainement pas se cacher dans ce qu’il révèle (Héb 1. 1-4) mais il va, au contraire, communiquer un message de manière à être compris. Par l’incarnation, Il s’est révélé et s’est fait homme pour communiquer avec les hommes dans leur langage, et en utilisant des images communes. Dieu fait tout pour qu’on le comprenne.

 

3– Nous ne sommes pas clairvoyant mais aveugles.

Apres la chute, l’Homme est devenu comme aveugle quant aux messages de Dieu. Si Dieu parle effectivement en énigmes, cela implique qu’Il voile volontairement un message déjà difficile à saisir pour l’Homme… ce qui est un non sens.

 

4- L’interprétation allégorique détruit l’analogie de la foi et la théologie biblique.

Elle réduit à néant la cohérence des Ecritures puisque chaque passage devient une vérité propre à chacun. Il n’y a donc plus de vérité, et donc plus d’autorité des Ecritures.

 

5- Elle présuppose que c’est le lecteur qui contrôle l’interprétation.

Le sens d’un texte ne peut être différent de celui que l’auteur a voulu lui donner à l’origine, mais c’est cependant ce qu’il se passe avec l’interprétation allégorique. Cela place notre interprétation personnelle au dessus de l’autorité de la Bible elle-même.

 

6- Elle présuppose que Dieu n’exprime pas ce qu’il pense réellement dans les Ecritures mais que l’homme a la possibilité, par son esprit, de sonder véritablement ce que Dieu cache.

 

7- Elle empêche la croissance spirituelle car c’est par la nourriture de la Parole que l’on peut s’affermir dans la foi (1 Pi. 2. 2).

 

8- Elle est l’arme préférée des faux prophètes qui“tordent le sens des Ecritures” à leur guise pour séduire les moins affermis d’entre nous (2 Pierre 3.16).

Ce simple rappel de Pierre nous remémore que les apôtres savaient que l’Ecriture pouvait volontairement être mal interprétée dans un but de manipulation. Selon Pierre, l’Ecriture « ne peut être l’objet d’interprétation particulière » (2 Pi. 1.20). Cet avertissement est majeur car il nous rappelle l’importance d’une herméneutique rigoureuse.

 

 

L’interprétation allégorique fait du tort à l’unité et au témoignage de l’Eglise 

La seule chose que la méthode allégorique nous permette d’interpréter , c’est le cœur de l’homme : aveugle et orgueilleux.

C’est malheureusement à cause de la popularité historique de l’interprétation allégorique que certains peuvent affirmer que “de toute façon on fait dire ce que l’on veut à la Bible.” 

Mickelsen dit que :

“L’interprétation allégorique  nous renseigne fort bien sur ce que l’interprète pense, mais ne dit rien sur ce que l’auteur biblique voulait dire, la signification qu’il a donnée au texte est ignorée. Nous n’avons que les assertions arbitraires de l’interprète – qui peuvent être bonnes en elles-mêmes, seulement l’interprète ne devrait pas prétendre que ses idées se trouvent d’une manière quelconque dans, avec ou sous le texte biblique.”

Pour les réformateurs comme Martin Luther, la Bible était la seule autorité en matière de foi et de salut. Il déclara d’ailleurs que l’interprétation allégorique “n’est que singeries” (ce qui ne l’empêchera pas de tomber plus tard dans certains de ses travers).

Jean Calvin, lui, disait de l’interprétation allégorique :

“Elle est satanique, car elle dévie les gens de la vérité de l’Ecriture ; on doit rejeter cette méthode d’interprétation (…) L’interprétation littérale est la seule valable ; en conséquence, il est nécessaire d’écouter l’Ecriture et de laisser l’auteur dire ce qu’il veut ; l’étude de la grammaire de l’Ecriture est incontournable – c’est à dire chacun de ses mots, dans leur contexte, et en comparant l’Ecriture avec l’Ecriture, pour voir ce que divers passages disent du même sujet.”

 

On pourrait cependant croire que chercher trop de rigueur, de précision et de justesse risquerait de créer des disputes de mots et de troubler l’église.

Effectivement, comme je l’ai déjà dit : “avoir raison ne suffit pas”. Aux qualités techniques, il faut ajouter les qualités morales. Mais cela ne va pas à l’encontre de la recherche de la vérité, car c’est autour d’elle que nous sommes rassemblés.

Paul enseigne aux Ephésiens (Chap. 4) que les ministères de la Parole sont là pour équiper les saints en vue de leur ministère, pour “l’unité dans la foi” et la maturité spirituelle de l’Eglise.

Ailleurs, il encourage Timothée à demeurer ferme dans les choses qu’il a apprises et reconnues certaines (2 Tim 3.14).

Nous devons donc trouver la saine tension entre l’orthodoxie et l’unité (2 Co6. 14).

Paul exhortait les chrétiens à avoir “une même pensée et une même opinion” (2 Co 13. 11). Jude, lui, à combattre pour “la foi transmise aux saints une fois pour toute” (Jd 3).

La synthèse de ces commandements nous encourage à chercher la vérité dans un désir d’unité et de maturité, mais jamais au dépend de la vérité.

 

 

Si le texte que j’étudie est inspiré, mon interprétation ne l’est pas

C’est donc pour cela qu’il nous faut respecter ces 3 règles fondamentales de l’herméneutique “historico-grammaticale” :

Interpréter chaque texte (1) dans son contexte, (2) selon son genre littéraire et sa structure narrative et grammaticale, (3) en accord avec le reste de l’Ecriture.

Sans ces règles, en lisant “Je puis tout par celui qui me fortifie” (Phi 4.13), il y a longtemps que l’on m’aurait retrouvé mort écrasé au pied de mon immeuble avec une cape sur le dos.

Mais cela ne ce serait produit qu’à cause de mon manque de foi car « le juste vivra par la foi » (Hab 2. 4)… A bon entendeur !

 

 

RC

 

 

 

 

[1] J.CORNER et K. MALMIN, Le défi de l’herméneutique.

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Raphaël est marié à Marion avec qui il a 2 enfants. Ancien Educateur Spécialisé, il est étudiant en dernière année à l’Institut Biblique de Genève et pasteur stagiaire à l’ECE Grenoble. Il est aussi évangéliste associé à France Evangélisation.